Info édition : Contient Low (2014) #11-15.
Noté "Première édition".
En bonus, une interview de Rick Remender effectuée par Jamie Lovett pour www.comicbook.com (3 pages) et une galerie de couvertures (10 pages).
François Giraudet est crédité pour l'adaptation graphique.
A
idée par Zem, Stel Caine reprend sa progression vers la surface et la sonde tant attendue, tandis que ses filles, Della et Tajo, se retrouvent enfin. Après dix années de séparation et d'épreuves, les jumelles sont devenues des étrangères l'une pour l'autre. Avant de tenter de rattraper leur mère, chacune avec ses motivations, elles décident de faire un crochet dans leur ancienne cité, Voldin. Là bas, il leur faudra faire le plein de provisions. Mais entre les souvenirs qui remontent et une rencontre inattendue, le temps presse...
En 2014, les créateurs de The last dayz of America crime s'associaient à nouveau sur une ambitieuse série de science-fiction. Dans le premier tome, L'ivresse du pouvoir, débarqué dans nos contrées via Urban Comics en février 2016, la prestation de Greg Tocchini était aussi clivante que bluffante. Son trait lâché et son découpage surprenant laissaient pantois certains quand d'autres se sentaient perdus. L'arrivée de Dave McCaig à la colorisation (dès l'épisode huit) gommait cette impression par un gros travail sur les teintes, améliorant grandement la lisibilité. Également présent sur le tome 3 (épisodes douze à quinze), le canadien continue de bonifier le dessin du brésilien. De fait, celui-ci peut se consacrer pleinement à la mise en image des folles idées de son scénariste. En optant également pour un encrage renforcé, plus épais sur ses grandes cases, il clarifie ses compositions sans pour autant renier son style si dynamique. Toujours gorgées d'action, ses planches accueillent de nouveaux décors et, après un monde sous-marin, ses cités et ses créatures place à la surface et une faune tout aussi étrange.
L'imagination du prolifique auteur (Deadly Class, Tokyo Ghost, Black Science) se montre encore une fois sans limite. Ici, c'est sur fond d'univers post-apocalyptique qu'il place les relations enfants/parents - un des sujets récurrents de son œuvre - au cœur de son intrigue. Très rapidement il la densifie en y intégrant divers thèmes qui dictent les actes de ses personnages : l'espoir, moteur principal de son héroïne au point d'en être sa religion, la rancœur, l'endoctrinement, l'abandon ou la vengeance. Ce mélange confère à la narration un rythme soutenu et une complexité apparente quitte à perdre quelque peu en immersion. Mais Les rivages de l'espérance, marque une avancée bienvenue et même s'il continue de multiplier les difficultés et les péripéties parallèles, Rick Remender amène ses protagonistes vers les situations espérées dès les premiers chapitres de Low. La trame avance nettement donc et avec elle, les personnages évoluent et leurs prérogatives s'affirment, tandis que la menace - l'explosion du soleil et la fin de toute vie sur Terre - se précise. L'heure des tournants approche et la tension ne cesse de monter, sans que le scénariste n'ait recours à trop d'artifices.
Le resserrement de l'intrigue, combiné à une plus grande rigueur graphique font de cet opus un passage important en plus d'être le plus réussi. S'ils réservent, à n'en pas douter, de nombreux rebondissements, les auteurs font preuve de suffisamment de talent pour accrocher définitivement les lecteurs au destin de la famille Caine.
Les avis
Shaddam4
Le 01/12/2017 à 16:25:38
Les éditions Urban produisent un travail remarquable en proposant l'intégralité des couvertures US, un résumé des épisodes précédents salutaire, des interviews et biographies des auteurs ainsi que quelques illustrations préparatoires. C'est très très complet, d'une maquette élégante et adaptée à chaque série. Le bouquin est au format américain en couverture mat avec la désormais traditionnelle tranche noire commune à tous les livres Urban (qui mériterait peut-être d'évoluer au moins dans les collections Indies...). Très classe.
Sur une terre à l'agonie, brûlée par son soleil devenu une géante rouge, l'humanité s'est réfugiée voici des millénaires au fond des océans, créant de nouvelles civilisations alors que des créatures mutantes apparaissaient.
L'héroïne est une scientifique d'un optimisme débordant (l'exacte opposé du Grant MacKay de Black Science, l'autre série de Rick Remender) qui a repéré le retour possible d'une des sondes envoyées il y a longtemps dans l'espace à la recherche d'une planète habitable. Dans son odyssée vers la surface elle va se retrouver confrontée au destin tragique de sa propre famille. Dans les deux premiers volumes (très différents), Stel naviguait entre espoir et désespoir, voyant sa famille éclatée puis réunie mais subissant les années et l'éloignement. Dans le volume trois elle aboutit enfin à la surface et y découvre une terre encore plus hostile que les océans.
Low est sans doute l'une des séries Urban dotée des couvertures les plus attrayantes. Coloriste incroyable utilisant des nuances très puissantes Greg Tocchini propose (comme souvent chez les illustrateurs américains) des mises en scènes qui ne donnent qu'une envie, celle de "plonger". A l'intérieur le choc peut être rude et son style mérite de le digérer avec attention.
L'illustrateur utilise des effets de loupe pouvant distordre les traits et ses dessins peuvent par moment paraître non finis (peut-être une mode, que l'on pourra trouver par exemple chez Bastien Vivès). Pourtant l'on ne peut pas dire qu'il abandonne ses arrière-plans tant ses cases fourmillent de détails (ce qui peut poser problème sur un format américain, asses compact). Sa maîtrise technique est pourtant impeccable et tant le design général qui a demandé un énorme travail de cohérence (inventer les civilisations qui existeront dans plusieurs millénaires!) que les corps des personnages, tout est in fine magnifique. C'est une histoire de goût et certains n'accrocheront pas, mais je vous assure que cela vaut la peine d'insister et de se plonger dans l'histoire shakespearienne de la famille Caine magnifiquement écrite par Rick Remender, l'un des scénaristes les plus intéressants du moment aux USA.
Ce drame joue au yoyo entre situations totalement désespérée et immense espoir porté par une héroïne très attachante en mère protectrice. Les auteurs présentent une panoplie de vaisseaux sous-marins, d'armements empruntant vaguement à l'Asie (le scaphandre aux allures d'Ange est une grande réussite et presque un personnage à lui seul). Les sociétés isolées sous des dômes ont chacune suivi un chemin différent, de l'hédonisme antique à une organisation collective stalinienne ou des clans pirates décadents... Les humains ont développé une technologie de l'eau mais ne sont que de frêles créatures face aux léviathans qui peuplent les fonds des mers. L'art de la rupture est consommé chez le scénariste et chaque album a une unité spécifique, ne serait-ce que par le temps qui sépare l'intrigue de chaque volume. Les séquences d'action sont en outre très bien menées, avec une mention spéciale à l'évasion du tome 2, séquence d'action parmi les plus impressionnantes qu'il m'ait été donné de voir en BD (que l'on peut même rapprocher de l'acmé du genre à savoir Appleseed de Shirow).
Cette série (que l'on espère en durée courte pour ne pas diluer cette densité) est une équipée d'auteurs pas vraiment grand-public mais d'une grande intelligence. Une BD qui se mérite mais qui vous le rend bien, comme pour Tokyo Ghost que j'ai chroniqué il y a quelques temps.
Lire sur le blog:
https://etagereimaginaire.wordpress.com/2017/11/08/low