Le 08/05/2023 à 22:12:11
Du peintre du premier opus, il ne reste plus qu'une toile: Le harem. Et une blanchisseuse, portrait craché de Djemila, rêve de l'Algérie. Ainsi est le seul lien entre le premier et second tome. Et ce ruban ocre de fantasmes ( celui du peintre et de la blanchisseuse) m'a curieusement bouleversé. Si au début, Ferrandez est trop verbeux afin de situer son histoire intime dans la grande histoire de France, le récit prend ensuite le chemin de la sensation épidermique. Moi ce verbiage de début m'a convaincu. Amoureux de la trame historique, j'ai aimé ses sauts entre plusieurs moment essentiels de notre histoire. Mais je peux comprendre l'impatience des lecteurs dans cette introduction assez mal maitrisé. Trop d'envie à raconter beaucoup et trop peu de planches. Mais la suite est superbe. Ferrandez raconte son histoire de l'Algérie au travers d'évènements qui n'ont pas fait dates mais qui raconte avec une grande férocité l'âme humaine et les drames de la spoliation. Ainsi que les rêves de celles et ceux qui ont soufferts ( de par les événements racontés au début d'où la nécessité de les narrer) et qui, pour les vivre, vont faire subir à d'autres ce qu'ils ont subi eux mêmes. D'ailleurs, le cheminement de pensées du personnage principal raconte merveilleusement le thème principal du sujet : être légitime à spolier et vouloir sortir de la misère. Ferrandez reste classique dans sa narration mais il nous livre des ambiances superbes, des chaleurs viscérales dans des espaces splendides. Il nous livre également une lecture à fleur de peau car on ressent à chaque planche la violence et la détresse des personnages, la torture des âmes dans des situations toujours plus aliénants et brutaux jusqu'à la démence. Les âmes sont noires et les corps flétries sous le soleil caniculaire d'une terre de cendre. On se bat, on se mutile pour mieux vivre dans la misère. Mais il y a ceux qui sont chez eux et les autres qui veulent avoir un chez eux. Et tous, pour trouver des racines que l'on leurs a interdit à cause des évènements en préambule, tueront. La misère n'est pas moins douce au soleil. Un superbe opusLe 24/01/2016 à 10:51:32
J'avoue ne pas être très enthousiaste en général devant le dessin de Ferrandez, et malgré l'intérêt que je porte personnellement à l'histoire de l'Algérie, les "Carnets d'Orient" me tombent facilement des mains. Ce second tome nous offre d'ailleurs une première partie maladroite et assez soporifique, alors que Ferrandez n'arrive pas à trouver la bonne approche pour nous expliquer le contexte historique, politique et sociale de son "Année de Feu", et que nous sommes noyés dans trop d'informations - en elles-mêmes essentielles et passionnantes - mal présentées. Et puis, lorsque à mi-album, débute la tragédie de la révolte des Kabyles, et le cycle de violence qui s'ensuit, entraînant aussi bien les colons que les "indigènes" dans le malheur absolu, "l'Année de Feu" décolle vraiment, nous laissant finalement avec une impression frustrante de n'avoir qu'effleuré un sujet aussi profond, de n'avoir qu'entrevu un drame essentiel pourtant à la compréhension du XXème siècle de la France. Soulignons aussi la parfaite intelligence du paradoxe offert par Ferrandez, celui de la transformation de communards idéalistes en colons brutaux : voici un questionnement qui est loin d'être trivial sur le fonctionnement de la psyché occidentale face aux peuples "inférieurs".BDGest 2014 - Tous droits réservés