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i]- Vous ne pouvez pas imaginer comment on est traité en tant qu'étranger...
- Eh bien... si, un peu.
Londres, 1934. Irmina a quitté l'Allemagne nazie pour venir faire des études de dactylo en Grande-Bretagne. Lors d'une soirée, elle fait la connaissance d'un brillant étudiant d'Oxford, Howard, qui vient de la Barbade. Un "Darkie". Les deux étrangers finissent par devenir de plus en plus intimes. Hélas, il n'y a bientôt plus de place dans ce pays pour une Allemande "normale", alors que tant de réfugiés, de persécutés par le régime affluent. Privée de logement et de travail, Irmina est contrainte de retourner dans son pays, avec l'espoir de gagner suffisamment d'argent pour revenir. Mais les lettres des amants cessent d'arriver à destination...
Dans Match Point, Woody Allen parlait de cet instant sur le fil de la vie où tout bascule d'un côté ou d'un autre, un tournant vers un extrême ou un autre, soit tout blanc, soit tout noir, et de façon irréversible. Avec une sensibilité touchante, Barbara Yalin a exhumé les lettres de sa grand-mère et décrit ce moment si spécial qui fait qu'un personne prend un chemin plutôt qu'un autre. Ce n'est pas qu'une histoire d'amour interrompue. Irmina aurait pu rester cette jeune femme ouverte, qui ne fait même pas attention au fait que son interlocuteur est noir, avoir une vie complètement différente, totalement opposée à ce qu'elle est devenue. Prenant le contre-pied d'elle même, elle devient une personne qui n'a plus rien à voir avec la Irmina de 1934, l'anglophile. Est-ce le contexte de l'époque, est-ce ses choix, est-ce sa passivité qui conditionnent une telle évolution ? L'auteure ne tranche pas, mais est-il possible d'avoir une réponse à cette question ?
D'un crayonné hachuré, à peine relevé de couleurs pastel, ce roman graphique joue sur toutes les nuances de gris, comme pour marquer la nostalgie d'une vie ratée. Quelques touches de rouge viennent marquer l'abandon d'Irmina au régime, mais les couleurs plus vives sont pour la fin, lorsqu'elle entrevoit ce qu'elle aurait pu être si elle n'avait pas renoncé. Certaines planches offrent de véritables tableaux paysagers.
Au delà d'une banale amourette impossible entre une aryenne et un noir dans les années 30, Irmina dépasse le cliché pour interroger sur le sens que l'on donne à sa vie. Une belle réussite qui a été couronnée en 2015 par le prix Artémisia.
Les avis
phileas35
Le 29/12/2014 à 11:05:09
l'histoire individuelle est elle plus importante que l'histoire ?
La vie d'Irmina jeune allemande de 1930 à nos jours illustre bien cete problématique à l'aide d'une illustration pertinente. A lire.