Résumé: Pennsylvanie, 1903. Diplômé de Harvard et fils d'un influent pasteur, Jonas rejoint l'École Industrielle Indienne de Carlisle destinée à l'assimilation des Américains indigènes. Profondément humaniste, Jonas est intimement convaincu que leur intégration passe par leur éducation. Mais ses convictions sont rapidement ébranlées par le quotidien à l'école auprès de ses élèves, en particulier le jeune John Madock et la belle Élisabeth...
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ourquoi, au sortir de Harvard, vouloir aller enseigner à des Indiens ? Si ses valeurs morales conduisent Jonas vers la fameuse École Industrielle Indienne de Carlisle, celles-ci vont vite se heurter aux dures contingences de la vie. Ne dit-on pas que l’Enfer est pavé de bonnes intentions ?
Avec Tasunka witko, Édouard Chevais-Deighton s’attaque à un épisode mal connu de l’histoire de l’Amérique. Certains verront dans l'institution du lieutenant Richard Henry Pratten la chance d'accéder à une hypothétique intégration pour les enfants de Wounded Knee ; d’autres ne percevront qu’une tentative d’annihilation de la culture indienne. La vérité n’est pas aussi manichéenne et renvoie, comme le fait superbement Laurent Galandon avec Les innocents coupables, à nos propres démons. Dans un autre registre, il faut se souvenir que la IIIe République interdisait dans les écoles d’Armorique « de parler breton et de cracher par terre ». De tous temps, les vainqueurs ont cherché à briser les vaincus, que ce soit par la force ou, plus insidieusement, par l’assimilation, notamment culturelle.
Choisir de montrer la perversité et les dérives d’un système éducatif via l’un des ses acteurs - fils de pasteur de surcroît - est une manière d’objectiver le propos et d’éviter de tomber dans le mythe du bon sauvage, cher à Rousseau. Grâce à un scénario qui évite toute niaiserie sentimentaliste, sans être pour autant systématiquement à charge, l’album trouve le juste équilibre entre les brimades subies par les jeunes pensionnaires et les états d’âme d’un enseignant dont les préoccupations sentimentales pourraient, dans le prochain tome, prendre le pas sur ses considérations éthiques. Et si, de-ci de-là, la physionomie des personnages manque parfois de constance comme les mouvements de fluidité, le travail de Laurent Seigneuret, classique dans la forme, s’adapte au récit et en renforce le réalisme.
Agrémenté d’un dossier qui permet d’en connaître plus sur la réalité de ce pensionnat, Carlisle appréhende un autre volet des guerres indiennes, moins épique mais tout aussi dramatique, puisqu’il accultura plus de 10.000 papooses.
Les avis
Erik67
Le 21/11/2020 à 21:04:12
C'est un vrai témoignage qui rappelle étrangement une série que je viens de lire il y a peu de temps à savoir Le Train des Orphelins. Il s'agit d'une école pour amadouer les jeunes indiens dont les parents ont été massacrés lors des dernières guerres tribales. Cette école leur apprend à désavouer leur culture et à renier leur identité. Et même s'ils le font de force, ils ne seront jamais considérés comme de vrais citoyens américains.
L'injustice est poussée jusqu'à son paroxysme avec des scènes surjouées et tellement peu originales. J'ai bien compris les intentions des auteurs mais c'est trop maladroit dans le traitement. Un exemple: on ne comprend pas que Jonas ait pu prendre pour épouse une femme qui semble être à l'opposé de ses valeurs.
Pour le reste, la lecture fut agréable malgré quelques confusions et j'ai apprécié le dossier historique à la fin de l'ouvrage.