Résumé: Un one-shot sur la coutume chinoise des pieds bandés. Ce récit raconte comment une jeune fille, Chun Xiou, est forcée de se bander les pieds suivant la tradition, et la torture que cela représente. Mais le calvaire ne s'arrête pas là, car avec la révolution elle va devoir supporter la pression d'une nouvelle société qui rejette toutes ses anciennes coutumes.
À
six ans, Chunxiu ne peut plus courir, ni sauter ni marcher comme les autres enfants de son âge. Des bandelettes enserrent étroitement ses pieds, lui faisant souffrir le martyre. Grâce à cette mutilation qu’elle refusait, son entourage espère qu’elle épousera un riche parti, s’élevant ainsi au-dessus de sa condition paysanne. Une décennie plus tard, la jeune fille est effectivement très courtisée et un bel avenir semble lui être promis. Mais le vent du changement souffle alors sur la Chine...
« Menus, minces, pointus, parfumés, souples ». Les connaisseurs décrivaient ainsi les pieds féminins idéaux, hiérarchisés en trois catégories, le must étant les « lotus d’or » qui ne dépassaient pas 7,5 centimètres. Débutée au Xème siècle, la pratique du bandage a perduré un millénaire, gagnant progressivement toutes les strates de la société chinoise, avant d’être interdite à plusieurs reprises et finalement abandonnée après 1949 avec l’arrivée au pouvoir de Mao Zedong.
Après l’autobiographique Une vie chinoise, les éditions Kana publient un nouvel album de Li Kunwu. Celui-ci y évoque celle qui fut sa nounou pendant son enfance et qui, comme des milliers d’autres femmes, portait dans sa chair les stigmates d’une époque révolue. À travers le parcours de Chunxiu, l’auteur aborde le sujet délicat d’une coutume ancestrale jugée barbare et longtemps sujette aux fantasmes, mais il balaie également presque soixante-dix ans de l’histoire de son pays.
Le ton est donné dès l’introduction : grave, pudique et juste. Il imprègne entièrement l’œuvre, suscitant une émotion qui devient particulièrement vive lors de la mutilation subie par l’héroïne, acte terrible et douloureux longuement circonstancié et mis en scène sans ménagement. Tout aussi poignante, la deuxième partie des Pieds bandés montre la jeune femme prise dans la tourmente des événements qui, tour à tour, bouleversent la Chine, chaque épisode apportant son lot de tragédie, de violence et de digne résignation.
Le dessin de Li Kunwu accompagne magnifiquement le récit, renforçant par son trait souple et semi-réaliste, ses cadrages variés, ainsi que par son découpage précis et ses décors soignés. Rendue visuellement palpable, la souffrance paraît sourdre des planches. À cet égard, si l’opération du bandage en elle-même possède un caractère éminemment éprouvant, il en encore plus difficile de regarder Chunxiu avancer sur l’esquif fragile de sa voûte plantaire déformée et torturée. Une réalité intelligemment mise en image par l’auteur qui souligne la disproportion ainsi engendrée.
Un album fort et bouleversant que les cinéphiles rapprocheront du Adieu ma concubine de Chen Kaige. À découvrir !
La preview
Les avis
Eric de 1001 cases.net
Le 02/05/2013 à 23:46:24
@cedd79 : j'ai un avis totalement contraire !
Certes l'auteur ne dispose pas de plusieurs tomes pour raconter son histoire (comme avec "Une vie chinoise") mais pour autant, l'histoire et les personnages l'en pâtissent pas je trouve.
L'histoire est bien menée, elle est à la fois cruelle et émouvante, et les personnages sont attachants.
Et le dessin de Li Kunwu peut dérouter parfois mais il est toujours très expressif.
Bref pour moi "Les pieds bandés" est une vraie réussite ! Je le recommande vivement.
cedd79
Le 16/04/2013 à 20:29:52
Déception !
Comment avec tant d'éléments, une vie à raconter si dramatique, peut-on se retrouver à ne rien ressentir ? C'est malheureusement ce qu'il m'est arrivé lorsque j'ai refermé ce livre.
Tout est raconté rapidement, on n'a à peine le temps d'apprécier une situation que l'auteur enchaine sur autre chose.
Et finalement, si sur 120 pages, Kunwu Li tente de nous raconter la vie de son héroïne et de son pays, jamais on ne saura qui était véritablement Chunxiu. L'empathie est inexistante et même si l'on en apprend beaucoup sur la terrible coutume qui est la thématique de ce livre, on ne retire pas grand chose sur les personnages qui devraient pourtant être le base de toute histoire. Du coup, j'aurais préféré un documentaire complet, plutôt que cette histoire mal ficelée, presque trop didactique.
Quant au dessins, si certaines planches sont très réussies, d'autres sont tout simplement laides !
A lire pour "le cours d'histoire"...