Info édition : Noté "Première édition" ° En postface, un cahier de 16 pages d'entretiens intimes avec 6 grands reporters.
Résumé: Juin 1999.
À la fin du conflit au Kosovo, un magazine propose à Gani Jakupi – qui résidait alors en Espagne – de s’y rendre accompagné par un photographe, afin d’y faire un reportage sur son retour au pays. Une occasion inespérée pour lui de revoir ses proches.
Mais si son objectivité vis à vis de son pays natal sera constamment mise à l’épreuve, sa subjectivité, elle, maintiendra tous ses sens en éveil. N’étant pas journaliste professionnel (il n’a exercé que pendant quelques années), il a le double avantage de pouvoir observer le milieu de l’information à la fois de l’intérieur, et de l’extérieur.
Un pan de ce livre s’intéresse ainsi aux reporters-photographes. Si on est informés par les mots, ce sont les images qui modèlent nos sentiments. Elles ont le pouvoir de changer le cours de l’Histoire. Certains journalistes s’en servent en respectant une éthique pointue, et d’autres non. Gani découvrira qu’il est justement escorté par un photographe avide de sensationnalisme…
O
riginaire du Kosovo, journaliste parmi d’autres activités, il n’est pas surprenant que l’auteur, Gani Jakupi, ait été sollicité pour effectuer un reportage sur ce pays où les stigmates de la guerre sont encore à vif. À travers cette errance, c’est sur la profession de reporter qu’il va poser son regard ; une vision sans angélisme.
Arrivé sur place, confronté au drame des siens, il s’interroge sur le pourquoi de sa présence en ces lieux et, d’une manière plus large, sur le travail des journalistes présents. Sans apporter de réponse et sans remettre en cause la nécessité de ces passeurs de témoignages, voire même de ces témoins, il donne à son lecteur l’occasion de réfléchir sur l'information qui lui parvient, tant dans les journaux que d’une manière plus générale. Il dit : « cette guerre m’a permis de percevoir la complexité de la chaine de transmission de l’info, depuis celui qui témoigne jusqu’au consommateur ». Pour accompagner ses pensées, retranscrites sous la forme d’un long texte dilué tout au long de l’album au moyen d’une voix-off, Gani Jakupi montre ce qu’il voit : une réalité brulante qui se lit tant sur les visages que dans les paysages, cela sans jamais céder à la tentation de montrer l’indicible, lequel transparait sans mal à travers le dessin.
Alors que la bande dessinée de reportage prend une réelle expansion, La dernière image se concentre sur le travail des correspondants de guerre. Ce qui passe en second plan chez Joe Sacco, et de manière assez bien sentie par ailleurs, est ici le cœur du sujet. Si Gani Jakupi se montre critique, il pose notamment, parmi d’autres, la question de la pertinence du reportage à charge et, par là-même, pointe du doigt les limites du choix de la neutralité. Il rend aussi hommage à quelques pointures de la profession auxquelles il donne la parole sous forme d’entretiens à la fin de son ouvrage.
Une bande dessinée brillante, à mettre en perspective avec les difficultés que rencontrent les médias à rendre compte de ce qui se passe actuellement en Syrie, mais aussi, pour appréhender au mieux les articles et les images qui nous parviennent de cette guerre civile.