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i>Ô Dingos, ô Châteaux !, Jacques Tardi adapte Jean-Patrick Manchette, troisième épisode. Ce roman, antérieur de quelques années au Petit bleu de la côte ouest et à La position du tireur couché, pose les bases de ce qui deviendra le néo-polar ou roman noir, genre que Manchette affina et revendiqua toute sa vie. Taper dans le concret, cracher au visage de la société pour mieux en dénoncer les dérives, ce récit ne fait pas dans la dentelle. L'histoire, avec sa distribution délirante (un tueur professionnel rongé par la folie, des hommes de main aussi obtus que les pandores sur leurs basques, un grand-patron prétendument bienfaiteur mais véritablement amoral et une garde d'enfant tout juste sortie de l'asile, sans être vraiment guérie), n'est que prétexte à une longue descente en enfer dans la réalité de la France de Pompidou.
Au moment de sa parution en 1972, le sujet et le style voulaient refléter leur époque, presque quarante ans plus tard, sa version dessinée conserve, d'une manière inquiétante, toute sa gravité. Le fond du propos reste, malheureusement, toujours d'actualité : les patrons se gavent et dictent leur loi, consommation et croissance règnent dans les discours, quant aux fous, ils courent toujours. Tardi n'a qu'à se servir dans la prose de Manchette pour raconter une histoire particulièrement jouissive, outrageuse, à la limite d'un surréalisme sanguinolent.
Graphiquement, le dessinateur « déroule » son art sans trop se poser de questions. Les passages se passant à Paris n'offrent pas grand-chose de nouveau ; Tardi a tant montré la capitale, arrondissement par arrondissement, à toutes les époques, que ses vignettes sont quasiment entrées dans l'imaginaire des bédéphiles. Par contre, la longue course poursuite à travers l'Hexagone et le final façon puzzle dans le Massif Central, permettent au créateur d'Adèle Blanc-Sec de s'illustrer (!) dans de nouveaux paysages plus bucoliques, d'une manière que les frères Coen ne dédaigneraient pas.
Parfois trop bavarde, cette adaptation reste des plus (trop ?) fidèles au texte d'origine. Respect littéraire ou peur de trahir l'ami trop tôt disparu ? Au lecteur d'en décider. Toujours est-il que Tardi propose avec Ô Dingos, ô Châteaux ! un très bon album. À lire.
Les avis
Bdazur
Le 02/09/2020 à 22:10:14
Album fidèle au texte de manchette, certains le trouverons trop fidèle, mais vu que c’est un bon roman de manchette, il ne reste plus qu’à juger le maître maître du noir et blanc égal à son talent, et que l’on peut voir dans des décors inhabituels.
BIBI37
Le 29/03/2013 à 21:51:51
A éviter.
Le début de l'histoire nous plonge dans un vrai polar mais très vite le scénario tombe dans la mièvrerie la plus totale.
On s'ennuie, on baille et au final on oublie........
Mieux vaut faire l'impasse surtout que les dessins ne sont pas au niveau.
1/10.
pokespagne
Le 05/07/2012 à 18:12:34
Oublions un instant le plaisir intense qu'on ressent à la lecture de "O dingos, O châteaux", résultat de la combinaison parfaite entre les scénarios destroy de Manchette (personnages hallucinés agissant de manière irrationnelle et largement auto-destructrice, engrenages fictionnels qui déraillent et où le pire est la seule chose qui soit certaine...) et le graphisme noir, quasi sadique dans sa précision rondelette de Tardi... Et posons-nous la question qui nous tarabuste depuis longtemps à chaque nouveau Tardi : n'est-on pas désormais chez Tardi, l'un des rares vrais génies de la BD francophone, dans la répétition sans inspiration d'une formule parfaitement rodée, sans danger ni surprise ? Il est indéniable que Tardi ne nous a rien offert de monumental, de "révolutionnaire" depuis son grand'oeuvre sur la Commune, et que ses adaptations de Manchette tiennent surtout de l'illustration "parfaite", grâce à une symbiose indéniable entre son univers et celui de l'écrivain. Mais bon, il y a tant d'auteurs qui arrêtent de travailler, l'âge avançant, qu'on ne saurait regretter que Tardi nous offre toujours autant de... plaisir, justement !
hautlive
Le 12/11/2011 à 08:23:52
Le scénario est bien, en revanche je trouve que le dessin de Tardi devient de plus en plus minimaliste en se demandant si c'est lui qui a dessiné.