Résumé: Sur le point d'être ordonné prêtre du Royaume de Meridia, Lysandre tombe dans un guet-apens avec sa délégation religieuse. Alors qu'il assiste impuissant au massacre des siens, il est sauvé de justesse par le chef barbare. Ce dernier n'est autre que son amour de jeunesse qui lui propose de le suivre dans une délicate mission : dérober à l'Église son bien le plus précieux, les fleurs de Dorkéïne.
S
’apprêtant à devenir prêtre de l’ordre de Cybèle, Lysandre assiste à Vitzio à la métafors, ultime rituel avant son émasculation. La cérémonie assurant la pérennité de la cité lacustre achevée, le jeune homme repart avec le convoi qui doit conduire la prêtresse de Vitzio à Cardini, siège de sa congrégation. En chemin, la délégation est attaquée par une bande de barbares qui massacre les voyageurs et s’empare des précieuses fleurs de Dorkéïne destinées à la chef de l’Église de Cybèle. À la tête des bandits, Baskia, ex-condisciple et amant, propose à Lysandre de l’accompagner et de l’aider dans sa mission. Une nouvelle vie commence pour l’ancien novice.
Pour sa nouvelle série, Thierry Gloris (Aspic, Malgré nous, Missi Dominici, Saint-Germain) mêle univers à l’allure Renaissance phagocyté par une religion dominante, fantastique et jeu politique propice à la floraison de complots. S’y ajoutent une rivalité entre cités, les relents sulfureux de l’usage véritable des fleurs de Dorkéine et du système permettant d’assurer équilibre et interdépendance entre les deux plus grandes villes du royaume de Méridia, ainsi qu’une galerie de personnages aussi hauts en couleurs que complexes. Autant d’ingrédients qui ne manquent pas d’attiser la curiosité du lecteur tout en garantissant une épaisseur certaine à l’intrigue.
Présentant le monde imaginé par le scénariste, dessinant déjà le profil des divers acteurs, ce premier volet assume totalement sa fonction, tout en faisant d’emblée pénétrer dans le vif du sujet. La contextualisation qui passe par la cérémonie de la métafors en dit long, aussi bien sur la société de Méridia, ses croyances et ses déviances, ainsi que sur leurs corollaires. Le tableau brossé dénote de rouages bien huilés, mais aussi d’une certaine décadence et d’une inégalité criante dont on sent déjà sourdre les ennuis qu’elle pourrait engendrer. De même, le portrait de l’Église de Cybèle, dressé sans complaisance ni aménité, ne manque pas, toute proportion gardée, d’évoquer la mainmise d’autres religions à des époques pas si lointaines. La romance entre Lysandre et Baskia, si elle s’inscrit parfaitement dans le cadre mis en scène, n’apporte cependant pas grand-chose à l’histoire, du moins pour le moment. Nul doute que cela pourrait changer par la suite.
Bien rythmé et d’une grande richesse, le récit est somptueusement porté par le dessin de Joël Mouclier (Dragons, Les remparts d’écume, Semio). Alliés à une mise en couleurs très réussie et créant de magnifiques ambiances, son trait expressif, son découpage dynamique et ses plans recherchés animent véritablement le propos. Le bestiaire est convaincant, les protagonistes voient leur caractère transparaître sur leurs visages. De même, une certaine exubérance à la fois raffinée, bestiale et luxurieuse jaillit des planches, tandis que la froideur des représentantes de Cybèle, leurs petites mesquineries et la certitude de leur toute-puissance transparaît avec force.
Doté d'un scénario bien ficelé et d'un graphisme des plus alléchants, Les fleurs de Dorkéïne ouvre une série qui s'avère d'ores et déjà prometteuse. À découvrir !