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uand Dieter Krantz débarque à Rüttingen, capitale de l’Empire, pour venir y étudier les Beaux-Arts, il est immédiatement conduit vers la « meilleure pension de la ville », tenue par madame Heimlich. Le jeune homme doit rapidement se plier aux habitudes de la maison et fait connaissance avec les autres occupants : Moritz, un nain philosophe, avec qui il devient ami, et surtout Rosa, future médecin, dont il tombe amoureux. Ces deux personnages sont aussi des opposants au régime en place et œuvrent au soulèvement de la population. Ils entraînent Dieter, un peu malgré lui, dans leur lutte contre l’Empire. D’abord hésitant, l’apprenti artiste suit le mouvement. Que ne ferait-il pas pour les beaux yeux de Rosa…
Toute ressemblance avec des événements ou personnages ayant existé… L’histoire d’un peuple fomentant une révolte pourrait trouver son origine dans bien des lieux de ce monde. Pourtant, les quelques indices que Pierre Colin-Thibert parsème au gré de son récit, ne laissent que peu de place au doute : des noms à consonance orientale, d’autres aux couleurs juives, et surtout une déportation massive vers des camps d'internement... Au petit jeu de "Qui est qui", la réponse est vite trouvée.
Le décor désormais planté, que reste-t-il de cet imposant ouvrage publié aux éditions Sarbacane ? Tout d’abord, le parcours initiatique d’un jeune étudiant dont les aventures donnent lieu à des saynètes de qualité inégale. Certaines, toutefois, méritent le détour, comme celles du « dépucelage » ou du duel, très amusantes. Il y a également l’esquisse d’une chronique sociale, appuyée en grande partie sur un régime totalitaire dont la main armée, « le 8ème bureau », sème la terreur. Enfin, la prédominance du thème de l'Art, malmené par les contraintes ridicules que lui impose le gouvernement. Si les différentes parties de l’album, prises séparément, sont dignes d’intérêt, elles manquent souvent de liant et semblent se succéder les unes après les autres, sans fil conducteur. Le rythme de lecture en devient haché, erratique, passant d’une longue phase introductive, avec de nombreux récitatifs, à une succession rapide de mises en situation, pour aboutir à un final, dramatique, censé être le point d’orgue de l’histoire et pourtant vite expédié.
Il faut néanmoins retenir le très bon travail de Stéphane Soularue, professeur en Arts appliqués, dont le dessin en noir et blanc, relayé par une couverture accrocheuse, parvient à restituer les ambiances sinistres d’une ville au bord de l’implosion. Une satisfaction, mais aussi le regret de passer tout près d’un très bon bouquin, dont les imperfections prennent malheureusement le pas sur les nombreux atouts.
Les avis
Erik67
Le 02/04/2021 à 10:29:09
L'histoire se passe dans un pays imaginaire qui pourrait être l'Allemagne de l'Empire de Guillaume II. Il est question d'un jeune apprenti peintre qui va être confronté progressivement au régime alors que la révolution couve et qu'une guerre se prépare.
C'est vrai que cette trame est plutôt classique. On peut en effet trouver un écho jusqu'à nos jours car il existe malheureusement encore des peuples qui sont opprimés par le pouvoir en place.
Au-delà de ce décor, on suivra un genre de parcours initiatique à travers le héros qui va découvrir toutes les misères du monde. Il y aura fort heureusement certains passages très drôles comme le duel ou le dépucelage. La fin est également très poétique et fait le lien avec le début.
Cependant, je n'ai pas trouvé un réel plaisir de lecture car il n'y a aucun fil conducteur. On est baladé littéralement dans tous les sens du terme. Il y avait des potentialités mais elles ont été mal exploitées au niveau scénaristique.