Résumé: Un retour particulièrement attendu, celui de Socrate le demi-chien, le quadrupède le plus singulier de toute l'Adriatique ! Après s'être libéré de la domination de son maître Héraclès, Socrate pense pouvoir savourer sa liberté. Mais il se fourvoie totalement et se met en tête de sauver un enfant promis à la mort, bref de se mêler de ce qui ne le regarde pas. Il n'est pas toujours facile d'être le chien de Zeus !
S
ocrate est un chien philosophe de la Grèce antique, considéré comme l'innitiateur de la philosophie canidéenne. Il n'a laissé que trois œuvres dessinées (connues à ce jour). Né en 470 av. J-C près d'Athènes à la fin des guerres médiques, il parcourt la Grèce au gré de ses rencontres avec les hommes mais ce sont les femmes qui le mènent par le bout de la truffe ! Héraclès est son maître. Ce dernier, fils de Zeus et d'Alcmène (une mortelle), est l'un des héros les plus vénérés des Hellènes. Sfar et Blain lui prêtent un très grand nombre d'aventures, dont les douze travaux mythiques. Elever Œdipe sera le treizième, et pas forcément le plus aisé. Et ce n'est pas Socrate qui va lui faciliter la tâche surtout avec une vestale dans les pattes. Le destin du futur roi de Thèbes, fils de Laïos et Jocaste, n'est pas jalonné que de moments de bonheur mais a largement inspiré la psychanalyse et bien entendu Freud qui, faute de tiques à son chien, ne cesse depuis de nous chercher des complexes dans la tête. What a Pythie ! Elle aurait mieux fait de se taire celle-là.
Bien en a pris aux auteurs de revisiter l'histoire d’Œdipe ou de l'interpréter (car qui nous dit que Socrate n'était pas vraiment demi-chien/demi-philosophe ?). Ils peuvent ainsi philosopher autour de thèmes aussi variés que l’éducation, la filiation, la liberté… Après cinq ans sans nouvelles du demi-dieu et de son chien, il fait bon retrouver le duo au meilleur de sa forme, au milieu d’un imbroglio mythologico-freudien propre à offrir une pléiade de dialogues plus succulents les uns que les autres. Épris d’envie d’autonomie, Socrate tente par tous les moyens d’éviter ce lourdaud d’Héraclès plus prompt à violer et à décapiter qu’à assumer une quelconque responsabilité. C’est peine perdue, il est bien trop indispensable de les réunir. Les interventions de Zeus, toujours bien senties, rajoute un humour qui tranche avec le ton olympien habituellement solennel et égaye encore plus une série qui pouvait souffrir d’un ton plus sombre dans les deux tomes précédents. De même, les situations burlesques dans lesquelles s’empêtrent joyeusement les personnages, tout droit sorties de l’esprit machiavélique de Joann Sfar ne font qu’amplifier la jubilation. Légèrement assoupli, moins brut que pour Héraclès ou Ulysse - l’évolution est sans doute la résultante du travail accompli sur Gus - le trait souple et énergique de Christophe Blain sert admirablement le ton humoristique plus marqué. Toujours aussi expressif et pétillant, le dessin met habilement en scène les protagonistes dans un décor sobre et rustique. L'essentiel, le dépouillement au service de l’efficacité.
Gageons qu’il ne faudra pas attendre aussi longtemps pour lire la suite des aventures d’Œdipe roi. Même si le dénouement semble connu, il faut espérer autant de loufoqueries et quelques libertés salvatrices prises avec la légende, qui sauront rendre l’austérité du mythe moins âpre. Et si dans le même temps cela peut inviter Sigmund à se retourner un peu dans sa tombe, ce n’est pas un mal…
A lire aussi, la chronique du tome 2 Ulysse
Les avis
zemartinus
Le 06/12/2009 à 11:49:33
un troisième tome franchement réussit, prenant, bien raconté, avec toujours l'exceptionnel trait de Christophe Blain. Zeus, Corinthe et son roi, Héraclès, Oedipe (que l'on voit finalement assez peu), bref encore une brochette de personnages mythologiques très bien employée. Un changement néanmoins : les textes en voix off sont beaucoup moins présents, ça enlève un petit quelquechose tout en apportant plus de vie. Moins épique que Ulysse, moins intimiste que Héraclès, cet album laisse pourtant une impression de spontanéité plus prégnante que dans les autres tomes