Résumé: Romancier bien sûr, essayiste unanimement reconnu, grand voyageur, enfant puis adulte à la santé très fragile et l'imagination débordante, Robert Louis Stevenson est un des plus grands, sinon le plus grand écrivain de la fin du XIXe siècle. Admiré de ses contemporains et de ses successeurs, il n'aura eu de cesse d'écrire et de faire entrer la littérature dans la modernité, mêlant les genres, abolissant les frontières entre roman d'aventures ou « jeunesse » et « grande » littérature. Il meurt à seulement 44 ans, dans les îles Samoa, dernière étape de sa vie voyageuse.
F
ils d’un couple bourgeois et bigot, Robert Louis Stevenson souffre d’une constitution fragile. Ses parents, surprotecteurs, le retirent de l’école, le privant ainsi de contacts avec ses camarades. Papa voudrait faire de lui un constructeur de phares, il rêve plutôt de lettres et d’aventures. Devenu adulte, il s’affranchit de l’emprise familiale et se rend en France. À Paris, il rencontre Fanny, une Américaine qu’il suivra jusqu’à Monterey, en Californie, où il est gravement malade. Sa dulcinée ayant enfin divorcé, il l’épouse et part à la découverte de la Polynésie. Tous ces événements l’inspirent et tissent la trame de ses romans à venir.
Ce récit s’inscrit dans la continuité de Sur les ailes du monde, Audubon et de HMS Beagle, Aux origines de Darwin. Ces bandes dessinées racontent toutes trois la vie romancée d’aventuriers du XIXe siècle, en ciblant particulièrement les années précédant leur célébrité. Le coup de pinceau de Jérémie Noyer, très semblable d’un livre à l’autre, contribue à structurer la série, qui n’en est pas officiellement une, même si la maquette donne à l’ensemble l’allure d’une trilogie.
Dans L’étrange voyage de R.L. Stevenson, Fabrice Grolleau fait le choix de présenter l’homme et relativement peu le romancier. Les malheurs de l'auteur tendent toutefois à s’étirer, et ce n’est que dans l’ultime chapitre que le projet trouve tout son sens. Le scénariste imagine l’écrivain esquissant l’intrigue de L’Île au trésor à partir d’un croquis réalisé par un enfant : il faut un trésor, puis une île avec un nom terrifiant, une falaise, une caverne mystérieuse, etc. Il y a là une véritable petite leçon de littérature.
L’imagination demeure le fil conducteur du parcours du personnage. Dès l’enfance, le héros aperçoit périodiquement la sombre silhouette d’un individu au chapeau haut de forme. Cette présence l’intrigue, le rassure, puis le terrorise après qu’il l’ait regardée droit dans les yeux. Les brownies, d’énigmatiques créatures, jouent aussi un rôle important alors que toute la nuit, elles manigancent les péripéties figurant dans ses histoires ; le jour venu, l’auteur de L’étrange cas du docteur Jekyll et de mister Hyde n’a qu’a transcrire ce qu’ils lui ont dicté pendant ses songes.
L’artiste propose un dessin semi-réaliste, presque schématique, généralement sans décor, avec des couleurs en demi-teintes, posées en aplat, du moins dans les scènes intérieures. Ses paysages ont plus de caractère, le dessinateur semble alors se laisser aller en ajoutant des détails et en favorisant des teintes nuancées. Ces planches sont d’ailleurs parmi les plus intéressantes de l’ouvrage.
Un agréable pied de nez à une tradition trop souvent oppressante.