Résumé: Élisa, surnommée Zaza Bizar par les enfants de son école, souffre de troubles du langage. Roman graphique poétique sur le thème de la différence, cet album décrit le paradoxe d'une parole empêchée et d'un langage libéré.
Élisa, 8 ans, surnommée Zaza Bizar par ses camarades de classe, souffre de troubles du langage. Loin des railleries des « enfants moqueurs », Élisa trouve refuge auprès de son journal intime, auquel elle confie ses révoltes et ses rêves. Au fil des pages, l'enfant apprend à surmonter ses peurs et se construit un monde imaginaire dans lequel sa singularité a toute sa place.
E
lle écrit comme elle parle, quand elle parle. Son entourage ne comprend pas tout, voire, pas du tout. Elle pense les mots mais ils sortent trop rapidement. Elle est vraiment bizarre, Elisa, pourtant, elle est loin d'être bête car dans sa tête, ça bouillonne et ça cogite. Comment expliquer cela ?
Conçu sous la forme d'un journal intime, Zaza Bizar raconte les difficultés que rencontre au quotidien une petite fille dyslexique jusqu'à ce qu'une adulte lui montre le chemin pour s'exprimer. Le texte, parsemé de charmantes fautes d'orthographe, reflète le désordre, non pas dans ses idées, mais dans la complexité de dialoguer avec les autres. Il recèle aussi une grande intelligence, une profonde solitude et une sensibilité touchante, tout en dégageant une certaine poésie. Ce récit à la première personne permet de se mettre dans la peau de l'héroïne et ressentir ainsi pleinement son désarroi face aux problèmes rencontrés. Nadia Nakhle maitrise son sujet et le prouve en le mettant en scène de façon originale et optimiste.
Plusieurs styles se mélangent dans ce joli livre d'illustrations, du réalisme au dessin naïf fait par des mains enfantines, du noir sur le blanc de pages de cahier d'écolier au blanc sur bleu marine. La lecture se révèle très agréable, un véritable voyage dans les méandres du cerveau de la fillette aux couettes. Le point commun à ces techniques : une grande douceur ; l'artiste aime ses personnages et le lecteur apprécie.
Voici un an dans la vie d'une enfant aux difficultés de langage évoquées avec beaucoup d'empathie et un certain onirisme : à lire par tous.
Les avis
bd.otaku
Le 31/05/2022 à 09:13:30
Après le magnifique « Les Oiseaux ne se retournent pas » Nadia Nakhle poursuit son exploration de l’enfance et de ses traumas dans l’album « Zaza Bizar » paru également chez Delcourt. Si le premier ouvrage s’attachait à l’odyssée d’une jeune migrante, ici il est question d’handicap invisible et de harcèlement et c’est tout aussi émouvant.
Elisa est une petite fille de huit ans qui commence son journal « confident ciel » le jour de son anniversaire. Elle décide de prendre comme nom de plume le sobriquet dont l’ont affublée ses camarades de classe : « Zaza Bizar » (d’où le titre) car elle est atteinte, de dysorthographie, dyscalculie, dyslexie et même de de dysphasie et ne s’exprime pas comme eux. Elle est ostracisée dans la cour de récréation et stigmatisée par ses professeurs qui la trouvent désinvolte et perturbatrice. Elle va raconter naïvement à ce journal ses joies, ses peines, son quotidien sur deux années : son calvaire à l’école, son rôle de bouc émissaire, son choix de se taire définitivement et la valse des « pessialites » qui s’ensuit…
Cette narration est très attachante et provoque l’empathie tout en étant extrêmement poétique. En effet, les textes du journal sont présentés dans une écriture cursive hésitante dotée de ratures et de fautes d’orthographes qui miment les difficultés de la petite dys mais permettent également de subtils jeux de mots. Et puis surtout, pour éviter la triste réalité de l’école, elle s’évade dans un monde fantaisiste en compagnie de son amie araignée imaginaire et règle ses comptes en imaginant ses tortionnaires sur « sa palète » aux prises avec sa troupe de sujets pirates.
On plonge alors dans l’onirisme et le graphisme est à l’avenant. La couleur préférée d’Elisa c’est la couleur de la nuit et c’est dans des teintes de bleu sombres que se déploient ses rêves, son univers et parfois son désarroi et sa tristesse. Les dessins s’apparentent à des illustrations de contes : les docteurs ressemblent ainsi à des sorciers, la forêt (représentant la solitude) parait oppressante parfois on a du réalisme, parfois un croquis enfantin, souvent des enluminures. On y retrouve aussi des réminiscences de l’univers de Tim Burton. Au fil des pages on est surpris et sous le charme…
Ce livre - inspiré par l’histoire réelle de la jeune sœur de l’autrice- se termine sur un happy end digne d’un conte de fées … mais cette fin que d’aucuns ont trouvé expéditive et artificielle constitue un véritable hommage à tous les aidants qui permettent l’évolution et l’épanouissement de toutes les Elisa. Un véritable petit bijou à lire par tous.