Info édition : Noté "PREMIÈRE ÉDITION" (dernière page).
Contient 6 pages de documents.
Résumé: Septembre 1939, en France. Le jeune Louison est un enfant étrange. Amnésique, rejeté par les autres enfants, il parle en allemand dans son sommeil, se passionne pour la préhistoire et entretient de longs échanges imaginaires avec Du Guesclin. Placé dans une famille d'accueil, il fuit, et finit par être recueilli dans un campement de gitans.
Au même moment, Etienne Murol, un jeune artiste, de retour de l'Académie de Vienne, retrouve Paris en proie à la fièvre des préparatifs de guerre. Mobilisé, il est envoyé en casernement à la ligne Maginot. La tête pleine de sentiments contradictoires, il ne peut se défendre d'une certaine exaltation face au nazisme et aux recherches pseudo scientifiques et culturelles menées sous la bannière de la pureté raciale.
Sans qu'ils le sachent, le destin de cet enfant et de ce jeune homme sont liés, tandis que s'abat sur l'Europe l'ombre de l'idéologie du IIIème Reich.
E
n septembre 1939, la France entre dans une nouvelle guerre avec l’Allemagne. Quelque part en province, Louison, un garçon amnésique, parlant allemand et passionné par la préhistoire et Du Guesclin, s’enfuit de sa famille d’accueil pour déterrer son passé. Après une courte errance, il est recueilli par des gitans. Au même moment, Etienne Murol, étudiant en Arts, revient dans la capitale après un séjour à Vienne où il a découvert la mythologie nordique et s’est laissé impressionner par le décorum du IIIe Reich. Si certains amis lui tournent le dos, il retrouve, avant de partir au front, la tendresse de la belle Yin-Tsu qui officie comme photographe au musée du Louvre. Quelques mois plus tard, la débâcle française puis l’Exode mettent Louison sur le chemin d’Etienne, tandis qu’à Paris Yin-Tsu doit se soumettre aux désirs d’un protecteur dont elle se serait bien passée.
Dans Wotan, titre qui claque comme l’étendard tenu par l’enfant sur la couverture, Éric Liberge (Monsieur Mardi-Gras Descendres, Les Corsaires d'Alcibiade) traite du second conflit mondial à travers le parcours de trois personnages qui s’y croisent. Ballotés par les événements, ceux-ci sont embarqués dans la « Drôle de guerre » à leur corps défendant, puis bousculés par la défaite. Loin d’être exemplaires, ils s’avèrent terriblement humains dans leurs enthousiasmes, avoués ou non, comme dans leurs faiblesses. En effet, sans être héroïques, Louison, le gosse en manque de repères, Etienne, l’artiste en proie à ses contradictions, et Yin-Tsu, l’étrangère sympathisante communiste, soulèvent pourtant, chacun à sa façon, des questions sensibles révélatrices de l’époque où se déroule l’histoire. L’auteur y apporte, à travers leurs tribulations personnelles, des réponses parfois embarrassantes destinées à bousculer le lecteur, tout en brossant un tableau réaliste de cette période sombre.
Incontestablement bien documenté, Éric Liberge procède par touches, tant à travers le texte fourmillant d’informations, que par le biais d’un dessin souvent très dense. Rien n’est oublié, tout est dit ou évoqué d’une manière ou d’une autre. L’utilisation d’images, tirées de différents médias, et de textes (discours, chansons, etc.) d’époque renforce l’authenticité du récit et sa plausibilité, tout en créant une véritable atmosphère et en facilitant les transitions. Cet aspect se révèle appréciable, car il permet, en quelques planches de livrer un résumé éloquent et précis de certains points. Enfin, si, à eux seuls, les personnages principaux ne parviennent pas totalement à intéresser, les références à « l’Ahnenerbe », institut visant à étudier, promouvoir et sauvegarder la « culture aryenne », et l’apparition d’Himmler en fin d’album viennent corser l’intrigue et lui donner une dimension plus fascinante. En revanche, les apparitions fantomatiques qui hantent Louison n’apportent pas grand-chose à l’histoire, bien qu’elles semblent appartenir à une symbolique s’inscrivant parfaitement dans cette période mortifère. Au service d’un récit sans concession, le graphisme d’Éric Liberge donne puissamment corps au propos. La précision se décèle dans chaque case et si, l’impression de surcharge est souvent prégnante, elle participe à la création d’une ambiance spécifique.
Ce premier volet de Wotan ouvre une fresque prometteuse qui ne devrait pas laisser indifférent tant elle pointe le doigt vers les sujets délicats. La préface de l'auteur, son entretien avec son père et des extraits du témoignage de celui-ci et de son épouse sur la (leur) deuxième guerre mondiale viennent encore l'enrichir, pour la plus grande satisfaction du lecteur.
Les avis
Erik67
Le 24/11/2020 à 09:52:57
Je n’ai jamais été convaincu jusqu’ici par les titres de cet auteur qui versait dans des mondes parallèles aux ambiances mystérieuses. Le thème de la mort semble comme une omniprésence dans son œuvre. Je n’aimais pas, par exemple, le fait qu’il n’hésite pas à placer de nombreux textes dans ces cases en les surchargeant. Il a su créer une atmosphère à la fois mi-artistique et mi-intellectuelle. Le problème est que cela ne prenait pas avec moi. Le charabia me prenait la tête assez facilement.
Or, avec ce nouveau titre qui va constituer une trilogie, il aborde un sujet dans le monde réel loin de toute fantasmagorie mi-philosophique. En effet, c’est dans le passé de notre pays durant la Seconde Guerre Mondiale qu’il se plonge en ravivant d’ailleurs des souvenirs de famille. Il s’agit tout de même d’une fiction où il va suivre le destin de trois personnages différents.
J’ai toujours apprécié par contre son dessin et son graphisme qui va d’ailleurs en s’améliorant au fil des années. C’est franchement magnifique pour les yeux. Je regrettais jusqu’ici que le scénario ne soit pas à la hauteur de ce que j’attendais.
En l'espèce, on a droit à une histoire assez classique mais où la folie n’est pas très loin. Il y a aussi les fameux clichés du genre qui reviennent. Il y aura encore une scène d’une route surchargée avec le pilonnage d’un chasseur allemand faisant quelques victimes au passage. Certaines scènes m’ont paru pas du tout crédible comme celle du père abandonnant son bébé à un garçon en bas âge. Bref, il faut vraiment fermer les yeux sur certains aspects pour ne retenir que le positif à savoir principalement un changement de style.
Mais bon, c’est comme si on passait du totalement décalé à l’archi-conventionnelle. Cet auteur peine à trouver le juste milieu. Encore quelques efforts et il y arrivera sans doute et le succès sera au rendez-vous au regard de ses réelles qualités de dessinateur.
FUM2014
Le 14/04/2014 à 12:13:24
Donner un avis sur cette intégrale (parue mais non encore répertoriée) n’est pas simple Le sujet est difficile, il est magnifiquement mis en image et en couleur, avec au départ 3 personnages que l’on suit dans la tourmente de 39 à 45. C’est cohérent, soutenu et le sujet est parfaitement maîtrisé. Et pourtant il manque le côté émotionnel qui m’a personnellement empêché de nourrir de l’empathie pour Etienne, ce jeune homme sans cesse en décalage avec son époque et à côté de la plaque, Yin-Tsu, cette jeune asiatique tantôt mature, tantôt soumise et Louison, ce môme perturbé et amnésique. Je l’ai déjà dit, le sujet traité est difficile, mais il l’est de manière très scolaire et les trop longs extraits des discours des théoriciens nazi sur la race aryenne sont assommants (ils n’apportent pas grand-chose à une fiction de BD, car ils sont malheureusement connus dans la dimension de leur épouvantable horreur).
Il manque à cette intégrale, le souffle d’une aventure humaine, l’horreur des camps et des théories sur la race emportant tout sur son passage. Ce n’est que justice pour un hommage aux victimes de cette barbarie, mais ce n’est pas une leçon d’Histoire que j’attendais mais une histoire humaine avec comme pivot central les émotions, les peurs, les angoisses, les passions, les espoirs de nos héros dans un contexte conflictuel majeur.
Il reste comme un goût de cendre liée à l’horreur des exactions des Einzatgruppen, et un goût d’inachevé lié au jeune SS norvégien qui trouble tant Etienne. Mais je ne regrette absolument pas cette longue lecture, et ferais sans problème une place à cette belle intégrale dans ma bédéthèque