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oumis à des interrogatoires quotidiens depuis son arrestation, Toshiya Misumi revient sur sa première rencontre avec Mon-chan et sur cette relation qui scella son destin et initia cette cavale meurtrière. L’autre moitié de ce duo infernal qui défraya la chronique avec 78 morts et 121 blessés à son actif, fait l’objet d’un avis de recherche international. Petit à petit l’insaisissable Mon-chan suscite un engouement grandissant à travers le monde, incitant le journaliste Takayuki Hoshino à enquêter sur ses origines. De son côté, l’armée américaine se prépare à transporter le monstre Higumadon, capturé par les forces d’autodéfense japonaises, vers les Etats-Unis. Mais les câbles qui retiennent la créature pourront-ils supporter la traversée ? L’humanité, échappera-t-elle à son jugement ?
Hideki Arai poursuit son portrait pessimiste de notre société et livre ici l’ultime volet de cette saga apocalyptique baptisée The World is Mine. Tout comme les treize précédentes, la couverture annonce immédiatement la couleur et préfigure du contenu sombre et malsain de cette série de la collection Sakka. Faisant écho à la violence propagée par Toshi et Mon-chan, la population continue d’alimenter la vague terroriste sans précédent qui déferle sur la planète. Le chaos qui en résulte est renforcé par le trait pas toujours séduisant d’Hideki Arai, par un découpage brouillon et par un début d’album plutôt décousu. En revenant sur le début de sa relation avec Mon-Chan, Toshi confirme son admiration envers la sauvagerie et l’anticonformisme de ce compagnon qui fonctionne essentiellement à l’instinct. Fasciné par la force dévastatrice de cet être impénétrable, mystérieux et brutal, le frêle jeune homme va tout faire pour devenir son égal.
En déplaçant Higumadon et Mon-chan hors des frontières japonaises, l’auteur va également ouvrir le récit sur un contexte géopolitique plus large. En posant Mon-chan et le mouvement qu’il déclenche comme alternative ou échappatoire au futur que dessine la toute puissance américaine au genre humain, Hideki Arai poursuit sa critique envers la politique internationale égocentrique des Etats-Unis. Il pointe du doigt ces leaders mondiaux qui semblent agir selon le titre de cette série, alors que le monde nous appartient à tous. La menace incarnée par la croissance démesurée de cet ours brun géant qui semble se nourrir de l’escalade de violence qui fait rage, interpelle également sur la question du nucléaire. Cette arme à vocation dissuasive, que l’humanité s’est imposée comme véritable fardeau, est ici présentée comme l’ultime remède.
Alors que les tomes précédents étaient rythmés par la course folle de Mon-chan et Toshi à travers un Japon en perte de repères, celui-ci, baignant dans un abus de texte, est beaucoup plus lent. Les révélations concernant l’enfance de Mon-chan sont cependant aussi attendues qu’intéressantes et le rendez-vous ultime avec ce monde à la dérive, loin d’être décevant.