C
'est bien connu, la quarantaine est le moment traditionnel pour faire le point sur son existence. Pour Tom Tirabosco, il s'agit surtout de se remémorer tout le chemin parcouru depuis sa naissance. L'enfance, en particulier, le temps de l'insouciance ou le lieu d'origine de toutes les névroses à venir, concentre son attention. Encore faut-il savoir remettre les pièces de son puzzle intérieur dans le bon ordre afin d'obtenir une image cohérente. Bienvenu de l'autre côté du miroir !
Avec Pierre Wazem, Frederick Peeters et Alex Baladi, Tirabosco fait partie de la génération dorée des auteurs de BD genevois. Peut-être moins connu que certains de ses collègues, il mène depuis plus de vingt ans une riche carrière de dessinateur, œuvrant aussi bien dans la bande dessinée (Kongo, Sous-sol) que dans la littérature jeunesse et l'illustration de presse. Son style atypique, (il utilise la technique des monotypes et les craies grasses) est identifiable au premier coup d’œil. Cette approche mêlant la douceur du fusain à la gravité des noirs donne à Wonderland un cachet indéniable.
Évitant (presque) toute nostalgie, Tom se raconte et, surtout, raconte sa famille, se remémorant les assiettes qui volent souvent bas entre son père, un Italien au sang chaud et à la patience limitée, et sa mère, une Genevoise plus posée. Les souvenirs de ces interminables querelles sont douloureuses pour le scénariste. Il n'oublie évidemment pas ses frères : Michel, lourdement handicapé et terreur du quartier, et Riccardo, le petit dernier passionné de nature. Au milieu des jeux et des cris, Tom passe également en revue les moments clefs qui ont donné naissance à sa vocation : beaucoup de BD, Walt Disney dont les films le font tant rêver, ainsi que Zdenek Burian, un artiste tchèque aujourd'hui oublié dont La vie privée des animaux hypnotisait le jeune enfant. Finement observé, impeccablement raconté, l'ouvrage est d'une légèreté et d'une finesse exceptionnelles.
Fable humaine pleine de sensibilité – il parle d'êtres aimés, ça se sent – et de bonheur, Wonderland porte bien son titre. Résultat, les quelque cent pages de l'album filent comme l'éclair tant ce portrait se révèle réussi et attachant.