Info édition : traduit de l'américain par Sidonie Van den Dries
Résumé: Pimitamon, petite ville canadienne au nord de l’Ontario. Derek, ancien joueur de hockey sur glace, vit là entre dépression, alcoolisme et bagarres. Sa vie s’est brisée quelques années auparavant quand un brutal incident l’a contraint à arrêter net sa carrière. Pour gagner sa vie, il a repris le restaurant de sa mère, décédée. Il n’attend plus rien des jours qui passent jusqu’à ce que sa sœur lui revienne, fuyant la violence conjugale, la drogue et la vie de misère dans les rues de Toronto. Ensemble, pour échapper à la spirale infernale de l’ennui et de la pauvreté, ils partent vivre en forêt, renouant avec leurs origines indiennes, et se débattant encore contre de farouches démons
D
ans une petite ville paumée de l’Ontario, un homme taciturne, accoudé au bar, trinque à la santé de l’ennui. Encore. Mais prudence, il ne faut pas le chercher ! Car Derek, ancien joueur de hockey, est peut-être devenu un loser mais il cogne facilement. Depuis l’ « accident » à la patinoire, la colère ne le quitte plus. Le retour inopiné de sa sœur va lui redonner un but. Partie soudainement treize ans auparavant, elle revient sans bagages mais traîne derrière elle un gros paquet de problèmes que son grand frère va se charger de régler.Cela lui suffira-t-il pour trouver, au bout de la route de l'hiver, la délivrance ?
Scénariste fécond, dessinateur plus occasionnel, Jeff Lemire endosse ici les deux casquettes pour donner libre court à tout son talent. Comme dans Essex county), son premier roman graphique, l’intrigue se déroule au Canada, son pays natal. La neige omniprésente, la forêt dense, ses bouleaux nus, toute la nature participe grandement à la pesanteur de l'atmosphère. Les principaux thèmes de prédilection de l'auteur forment la structure de Winter road : les relations familiales (le père autoritaire notamment), la vengeance, la quête identitaire (les origines indiennes), la rédemption par le don de soi. Sur fond de tragédie, il les développe en profondeur grâce à des personnages à l’âme blessée. Derek abrite plusieurs archétypes : il passe du rebelle au martyr, de l'ange gardien au héros. L'identification et l'empathie viennent de façon instinctives et nous touchent naturellement.
Dès les premières planches, la précision du cadrage est frappante : une véritable immersion dans un film. Ce sont d'ailleurs des termes empruntés au cinéma qui viennent à l’esprit : plan fixe, travelling, ellipse, répétition, ralenti, zoom… Les onomatopées ne se lisent pas, elles s'entendent. Les cases (souvent peu nombreuses) sont distillées intelligemment, de manière à faire monter lentement la tension et imposer des temps morts. Un drame va arriver : mais quand ? comment ?
La colère froide, le dégoût, l’amertume, s'opposent à l'innocence, la tendresse maternelle et la fureur explosive. Le récit est ponctué de flash-back. Par le biais d'ambiances chromatiques différentes pour le présent et les souvenirs (respectivement bleu délavé et couleurs vives à l'aquarelle) illustre le contraste des époques. Au fur et à mesure, les ambiguïtés comportementales se lèvent. Le trait brut, simple en apparence, est terriblement expressif. Les décors sont dépouillés, focalisant ainsi l’attention sur l'essentiel. Les visages sont durs, reflétant l’âpreté de cette vie et les marques des traumatismes personnels. Ils ne sont pas beaux, juste réalistes. Rien de superflu, chaque scène a son importance, même les pleines pages contemplatives et les focus récurrents (pieds qui avancent, chien qui aboie, arbre solitaire) agissent comme des échos visuels.
Le titre original est Roughneck (voyou). Futuropolis a préféré un intitulé plus contemplatif. Cet épais one-shot se lit d’une traite mais se savoure, se vit jusqu’au dénouement terrible, inattendu. Il faut alors attendre quelques instants pour que l'émotion se dissipe, car là réside la grande force de Jeff Lemire : redonner l'espoir dans un monde perdu.
La preview
Les avis
Erik67
Le 07/11/2020 à 12:45:42
Près de 270 pages pour une histoire fort simple. Encore une fois, l'auteur a tout misé sur la mise en scène assez cinématographique avec de grands cases et des plans larges. Le décors sera celui d'un petit village enneigé de l'Ontario où une ancienne gloire du hockey est venu se perdre dans tous les sens du terme.
C'était sans compter la venue de sa junkie de soeur pour mettre un peu de piment à une existence bien morne entre deux cuvées dans le bar local ou une bagarre avec des gamins car notre héros est particulièrement violent. Vous aurez compris que ce n'est guère ma tasse de thé. Mais bon, les alcooliques et les junkies semblent faire recette dans le roman graphique. On n'y échappe pas.
Sinon, c'est bien dessinée et le travail est tout à fait honnête. Cela se lit assez bien. Cependant, au ressortir de cette lecture, je n'ai guère été marqué par la grâce divine. Comme dit la célèbre tirade, winter is coming ! Certes mais by the road.