Info édition : Noté "Première édition".
Introduction par Luca Raffaelli.
Paru à l’origine aux éditions Dargaud dans les années 80, cette édition a été revue, corrigée avec une nouvelle traduction et mise en couleurs. Cette série se déclinera en 4 volumes de 144 pages accompagnés d’un dossier historique. Le dernier volet sera inédit et est en cours de réalisation.
Résumé: Le Berlin vivant et corrompu des années 20 est le théâtre de la première aventure de Jan Karta, détective privé. De là et à travers l’Europe qui voit s’approcher l’ombre de Hitler, ses enquêtes le porteront vers Paris, bouleversé par la violence des idéologies et à Rome, face à face avec l’hypocrisie de l’Italie fasciste, pour revenir enfin en Allemagne désormais hypnotisé parle nazisme.
Notre détective, protagoniste désenchanté mais guère cynique, est enclin à cohabiter avec une police fataliste et témoin d’une époque, ébranlée par la marche irréversible de l’histoire.
P
ubliées pendant la deuxième moitié des années 1980 par Dargaud, Les enquêtes de Jan Karta sont de retour. À l’initiative de Fordis, les quatre tomes initiaux sont réédités à raison de deux albums par livre. Une histoire inédite est annoncée. La première fournée reprend Weimar et Der Sturm, tous deux se déroulent à Berlin.
D’emblée, le lecteur note un important travail de décolorisation réalisé par Spartaco Ripa. Les rouges et les jaunes sont congédiés et font place au beige et au gris. Ces teintes, moins criardes, transforment complètement l’allure des récits qui deviennent dès lors beaucoup plus sombres. Les noirs étant parfaitement opaques, les illustrations gagnent en profondeur de champ. Quelques cases (et même une planche complète) ont été modifiées ou carrément remplacées. Une partie des dialogues fait l’objet d’ajustements mineurs et la police de caractère a été changée. Le tout est complété d’une préface présentant le héros, mais surtout d’une postface situant l’action dans l’Allemagne de la République de Weimar. Bref, l’éditeur ne se contente pas de reproduire les bandes dessinées parues il y a trente-cinq ans.
L’essentiel demeure tout de même ; Roberto Dal Pra’ raconte les aventures d’un détective privé, cultivé et intello. Le limier résout des énigmes avec en toile de fond la rancœur d’un peuple qui digère mal les dures conditions de l’armistice imposées quelques années auparavant. Ces investigations sont bien menées, une première porte sur l’assassinat d’un industriel trop peu enclin à collaborer à l’effort d’armement. La seconde sur le meurtre d’un journaliste qui en sait trop sur les agissements d’un proche d’Hermann Göring. Au-delà de la trame policière, c’est le portrait d’une époque que le scénariste présente, et il le fait avec beaucoup de finesse.
Rodolfo Torti propose un dessin semi-réaliste, avec par moment des accents expressionnistes. Les visages jeunes sont beaux, voire exagérément lisses, alors que les vieux tendent à être excessivement flétris. Les décors de la capitale allemande se montrent pour leur part convaincants. Il y a peu à dire sur le découpage en trois bandes somme toutes assez classique.
Une agréable plongée dans l’entre-deux-guerres.
Les avis
Hachepe
Le 02/11/2025 à 11:02:32
Cet avis vaut pour toute la série
Le sommet d'un livre, d'une BD ou d'un film n'est il pas de savoir divertir tout en faisant réfléchir?
C'est exactement ce qu'ont réalisé Roberto Dal Pra (scénario) et Rodolpho Torti (Dessin) avec cette série.
J'avais lu les quelques albums de la série Jan Karta à leur sortie. A l'époque, adolescent, je recherchais à résoudre ces enquêtes qui se déroulaient dans différents pays durant l'Entre-deux-guerres.
Grâce à l'excellent travail réalisé par l'éditeur Fordis, les albums de Jan Karta retrouvent une deuxième jeunesse. Quel plaisir de relire ces albums mais aussi de lire ceux qui n'avaient pas été édités par Dargaud à l'époque.
En refermant le premier album, j'ai tout de suite pensé que Jan Karta était un Bernie Gunther avant l'heure. En effet, quelle proximité entre le héros de Dal Pra et Torti et celui de Philip Kerr.
On retrouve un parcours commun. Ancien policier Karta, comme Gunther devient détective privé dans un Berlin qui voit la montée du nazisme de plus en plus prégnante.
A la différence de Gunther, Karta voyage dans toute l'Europe pour nous montrer les différentes facettes de cette extrême droite aux multiples visages: Allemagne bien sûr, Italie, évidemment, mais aussi en France où le mouvement de la "Cagoule" essaimera ses membres dans le régime de Vichy et enfin l'Espagne qui voit sa République s'éteindre sous la botte de Franco et de ses alliés.
Quand on lit tous les albums de la série on retrouve ce que Pierre Assouline a si bien synthétisé dans son livre "Le Paquebot".
Si la trame de ce roman est d'envisager une des hypothèses quant à la mort d'Albert Londre, le fond du livre est plus de décrire l'Europe des années 30 et la montée de l'extrême droite et de ses nationalismes.
Jan Karta n'a pas pris une ride depuis les années 80. Il mérite d'être lu et relu dans cette nouvelle collection. Il mérite sur le fond et sur la forme. Sur le fond avec urgence tant ces histoires raisonnent dans notre monde divisé, replié sur lui-même où les nationalismes dominent sans partage.