Résumé: Laissé pour mort suite à son agression dans les égouts de Paris, Théophile se remet sitôt de ses blessures, ce qui déroute pour le moins son nouvel associé, Alcée Poivron. Ce prompt rétablissement amène le détective à révéler un pan trouble de son passé durant la campagne égyptienne de Napoléon. Cette révélation livrée, ils reprennent de plus belle leur enquête sur le vol de la Sphère Olmèque...
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renez un univers uchronique où Napoléon aurait tenu la dragée haute à la perfide Albion, ajoutez-y une bonne dose de fantastique et faites revenir le tout dans un fond d'enquête policière à la Sherlock Holmes, vous obtiendrez Waterloo 1911. C'est en tout cas l'impression qui prédomine à l'issue de ce deuxième tome, à savoir que Thierry Gloris a fait de cette série le réceptacle d'une kyrielle de références. Le résultat, forcément hétéroclite, souffle le chaud et le froid.
Au rang des satisfactions, citons des personnages relativement marquants, entre un conservateur de musée aux ressources cachées, répondant au doux nom d'Alcée Poivron, et un détective privé qui ferait passer les héros de la littérature de genre pour des enfants de chœur, le célèbre Théophile Duroc. Le tandem, d'une forme classique, fonctionne assez bien. Le scénariste joue sur leurs personnalités dissonantes et sur leurs desseins communs pour instaurer entre eux une relation privilégiée, un peu plus qu'un simple rapport professionnel et un peu moins qu'une véritable amitié. Les méchants de l'histoire, mégalomanes comme il se doit et bien campés, assurent l'opposition de rigueur aux héros de service. De plus, si l'aspect uchronique pouvait paraître anecdotique, il prend ici une importance nouvelle et devrait être au cœur du prochain album. Ajoutez à cela un dessin signé Emiliano Zarcone qui, par rapport à un premier tome pas totalement abouti, a gagné en précision et en maturité, ainsi que des couleurs mieux dosées, et vous obtiendrez un aspect visuel intéressant qui orne des ors napoléoniens les décors de cette aventure.
Il est difficile de trouver un aspect négatif à souligner en particulier. Le regret se portera peut-être sur un côté justement parfois un peu trop artificiel, comme si toutes les pièces qui constituent la matière de cette histoire tenaient par une quelconque magie et que l'ensemble paraissait fragile, peu assuré. Un immense patchwork, en quelque sorte. Si tout s'enchaîne assez bien jusqu'à la dernière page, le lecteur pourra, une fois celle-ci tournée, se demander ce qu'il vient de lire exactement, et surtout ce qu'il va en retenir. Il trouvera mieux en matière d'uchronie. Il trouvera mieux au rayon fantastique. Il trouvera mieux dans le registre des enquêtes policières. Mais il trouvera difficilement un récit qui aborde tout cela à la fois sans s'écrouler sous son propre poids. Bref, l'intérêt de l'album ne tient pas dans sa façon de traiter chaque aspect de l'intrigue, mais tire son originalité de l'assemblage audacieux d'influences diverses.
La démarche est intéressante et, à défaut de rester dans les annales, elle apportera aux lecteurs un bon moment de divertissement. En attendant un troisième tome qui devra tout de même, au-delà du respect que l'on doit à un auteur qui prend des risques, assurer une certaine cohérence.