Résumé: Pour son second voyage, Gulliver échoue au pays de Brobdingnag. La différence avec Lilliput est de taille. Pom, une petite fille de 10 ans, adopte Gulliver qui se retrouve dans ses mains de la grandeur d'une poupée mannequin. Gulliver est son ami, son compagnon de jeux, sa lueur d'espoir, mais aussi son jardin secret. Car à Brobdingnag, on ne rigole pas avec l'ordre. Cet état manichéen connaît la différence entre le bon et le mauvais. Pas une tête ne doit dépasser, pas un mot de trop ne doit être prononcé. Sinon, les camps de travail vous attendent. Autant le dire, cet état n'est pas fait pour Clémence, la femme du docteur, qui de l'autre côté de la mer, devient un symbole de la contestation contre le patronat...
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Brobdingnag, on ne plaisante pas avec l'ordre ! Si l'on décrète que le crabe vert est mauvais et impropre à la consommation, il serait téméraire d'oser en goûter. Une entorse au règlement et direction les camps de travail. C'est dans ce monde administré par des lois très manichéennes que Gulliver entame son deuxième voyage. Pour couronner le tout, les habitants sont des géants, ce qui le change de son précédent périple à Lilliput. Sitôt débarqué, le docteur est recueilli par Pom, une petite (enfin, c'est relatif...) fille de 10 ans, qui l'adopte sur-le-champ comme nouveau doudou puis comme confident. De l'autre côté de la mer, Clémence, l'épouse de l'explorateur, prend la tête d'un groupe de travailleurs grévistes en lutte contre un patronat despotique, incarné par le terrible De Rougemont.
Les Voyages du Docteur Gulliver est l'adaptation d'un roman écrit par Jonathan Swift en 1721, maintes fois censuré et remanié jusqu'à sa parution en version complète en 1735. Pourquoi ? Tout simplement car cette œuvre, à première vue fantastique et onirique, est avant tout une satire sociale, un pamphlet politique. L'auteur irlandais, au sujet de ses écrits, dit d'ailleurs : "Le principal but que je me propose dans tous mes travaux est de vexer le monde plutôt que de le divertir...".
La libre transposition de Kokor perd de sa diatribe originale mais offre en contrepartie une vision plus moderne et joliment poétique. Gulliver laisse volontiers son épouse en découdre avec le tyran local pour poursuivre ses voyages dans l'imaginaire. Rêve ou réalité ? Peu importe, tant les valeurs que l'album véhicule sont universelles. Tolérance, mansuétude, bienveillance... Le tout emballé autour d'une charmante histoire, façon "conte pour enfants", qui fleure bon la guimauve. Une lecture avec un regard un peu plus adulte pousse, peut-être à contre-cœur, à découvrir une société déchirée par la lutte des classes, par l'asservissement des plus faibles et des plus démunis ainsi que par les aberrations du pouvoir en place. Pourtant, le récit n'est jamais larmoyant, jamais mièvre mais conserve une douceur et un charme indéfinissable qui en font une délicieuse friandise.
Au dessin, Kokor joue habilement avec les lieux et les décors. Ces derniers sont réduits au strict minimum au pays de Brobdingnag, évoquant la simplicité et le dénuement de ses habitants. Alors que la ville, bien réelle, est noyée par les constructions nouvelles qui jouxtent le port empli de bateaux, cachant la beauté d'un coucher de soleil ou les charmes d'une plage déserte. Quant aux personnages, quelques traits suffisent à l'auteur pour exprimer un large panel d'émotions. Les couleurs, enfin, conjuguent tout au long de l'album la chaleur de l'ocre et la froideur du bleu pour donner un ensemble harmonieux et très esthétique.
Habitué de récits d'aventures atypiques et poétiques, notamment avec Balade Balade, Kokor propose avec Les Voyages du Docteur Gulliver une très jolie adaptation du roman de Swift. Ses différents niveaux de lecture permettront à tous de se (re)plonger dans l'œuvre de l'auteur irlandais, accompagnés de la madeleine (de Proust) de son choix.
Les avis
fanch7
Le 26/04/2008 à 12:10:29
Le deuxième tome de "Les voyages du docteur Gulliver" est de ceux que l'on n'oublie pas tant les émotions procurées à sa lecture sont fortes. Bien que l'auteur nous promène à sa guise dans un monde totalement onirique, les personnages y sont toujours vrais et touchants.
Graphiquement, l'album est très beau. [b]Kokor [/b]maîtrise à merveille l'art du mouvement. Il sait aussi toujours trouver le trait le plus juste pour dessiner les différents sentiments de ses personnages. Tout cela sans esbrouffe... Du grand art. :ok:
Cet album est une petite merveille à lire absolument! :smile: