Résumé: L'amour dans le sang
Adrian van Gott est une énigme. Torturé, mystérieux, épuisé par les siècles déjà vécus, il collectionne les conquêtes mais vit seul dans son immense demeure nichée au coeur de Manhattan. Dans cette forteresse des hauts quartiers, il a amassé des livres, des tableaux, des souvenirs mais reste hanté par un douloureux secret. Car Adrian possède un don unique, un étrange et monstrueux pouvoir qui le condamne à dévorer l'amour d'autrui pour assurer sa survie. Pour Adrian, l'amour se vole et ne se gagne jamais. Capable de percevoir les infimes variations de goût et de saveur dans un simple baiser, Adrian n'a eu de cesse d'assouvir son appétit de Constantinople au Paris de la Révolution. Mais qui est-il et quel drame entoure son enfance dans la Venise des années 1780 ? Le jour où deux siècles et demi plus tard, sa route croise celle d'Anna à New York, tout bascule. Troublé, Adrian retrouve dans cette jeune danseuse la même saveur que possédait la seule femme qu'il ait jamais aimée. Pour la première fois de sa vie, il refuse l'inéluctable et jette un regard amer sur son existence passée. Et si le temps était venu de briser ses chaînes ? Anna pourra-t-elle mettre fin à son insatiable quête d'amour ? Après avoir passé sa vie d'immortel à semer la désolation, Adrian a un tout autre plan...
Avec son trait voluptueux et raffiné, Yannick Corboz redonne vie au héros tragi-gothique de Richard Malka (Le voleur d'amour, Grasset - 2021) à travers cette magnifique adaptation qui invoque passion violente et sensualité. Dans cet album au graphisme éblouissant où l'amour est à la fois une quête et une malédiction, il nous livre une vertigineuse fresque romantique qui interroge sur la nature humaine et la part d'ombre et de lumière en chacun de nous.
D
e baisers en étreintes, Adrian van Gott traverse le temps, dérobant l’Amour qui se niche au fond de ses victimes qu’elles soient filles de joie ou femmes du monde, et pas seulement… Adrian van Gott est un vampire, un vampire des sentiments.
Avec cette adaptation du roman éponyme de l’avocat Richard Malka, publié aux éditions Grasset en 2021, Yannick Corboz décline les saveurs de l’Amour et la part d’ombre et de lumière qui s’y attache.
Pour l’occasion le dessinateur de Célestin Gobe-la-Lune signe aussi le scénario. Sur ce genre d’exercice, il convient de choisir avec soin ce qui relève du nécessaire et du superflu afin de pouvoir, se démarquer - si cela est souhaité - de l’œuvre originelle. Dans le cas présent, Yannick Corboz opte pour un large recours aux récitatifs. Sur la longueur, le procédé pourrait s’avérer fastidieux, voire pesant, mais il instaure, le format aidant, un subtil équilibre entre les mots et les images qui rappelle l’origine du récit sans pour autant cantonner cet album dans le registre de la simple illustration de roman. L’utilisation de vignettes de couleurs et autres subtilités narratives permet de se repérer dans le fil de l’histoire et en améliore la fluidité, car la pagination étant plus que conséquente, la lecture en est de long cours.
Avec un trait fin, à peine appuyé sur les contours, les planches de Yannick Corboz travaillent l’expressivité et l’essence plus que la puissance à l’instar d’une mise en pages qui joue sur les variations plutôt que sur la profusion. En cela, s’installe une forme de constance, de fil conducteur, sur lequel la colorisation aquarellée aux tonalités matinées vient, selon les séquences, donner rythme ou intensité.
Non sans parfois rappeler Dorian Gray d’Enrique Corominas ou Celestia de Manuele Fior, le Voleur d’Amour s’avère un album à la fois romanesque - il y est question d’une vie - et romantique puisqu’il y est aussi question de passion et qui dépeint superbement l’omnipotence de l’empire des sens et le basic instinct qu’est, au-delà du désir, le besoin d’amour.