Résumé: Cristal ! Empire ! Cet étranger tombé du ciel n'a que ces mots à la bouche. Maudit soit l'aéronef avec lequel il s'est écrasé sur nos terres. Est-il seulement ce qu'il prétend être : un scribe? ne serait-il pas plutôt un espion? Lapyoza ne peut cependant lui refuser l'hospitalité, il sera donc notre hôte, mais il devra faire sa part : il nous aidera dans les diverses tâches de la communauté, avant qu'il puisse repartir vers l'Empire. Loué soit Hodä. C'est ainsi que Pavil, citoyen lambda de l'Empire, se retrouve plongé dans le quotidien de Lapyoza, village perdu d'un archipel battu par les vents. Loin de l'agitation des villes impériales, le scribe observe les rituels qui rythment la vie simple de ces habitants : changer le visage d'un immense totem, glaner de curieux artefacts, les fondre, les réinscrire dans un nouveau cycle. Autant de mystères qui guident Pavil, sans cesse, vers l'oeil du cyclone : cette île interdite, de l'autre côté de la baie ; là d'où viennent les masques ; là où vit celui que personne ne voit, mais que tous vénèrent : Hodä. Sans esbrouffe ni rayons lasers, à la manière d'une Ursula K. Le Guin, Jérémy Perrodeau imagine un peuple étranger dont il décrit l'Histoire, la culture, la religion, les coutumes.Mais le récit ethnologique laisse bientôt la place à une véritable enquête, qui ébranlera, bien plus qu'il ne l'imagine, les convictions de Pavil. Après Crépuscule et Le Long des Ruines, Jérémy Perrodeau explore la place du surnaturel dans la science-fiction et signe un récit puissant et intrigant, d'une grande maturité.
S
on aéroplane ayant connu une avarie, Pavil est contraint d'atterrir en catastrophe sur Lapyoza, une île isolée dans l’océan. Heureusement, il en sort indemne. Immédiatement, une délégation des habitants du lieu vient à sa rencontre. Circonspects, suspicieux, mais respectueux des traditions de l’hospitalité, ceux-ci l’accueillent e, faisant contre mauvaise fortune bon cœur. Un navire marchand doit passer dans deux mois. En l’attendant, il est autorisé à rester à condition de participer aux tâches communes. Petit à petit, le visiteur accidentel commence à appréhender cet étrange communauté coupée de l’Empire. Bravant les interdits, il parvient même à observer des rituels religieux étonnants. Curieux d’apprendre ou désirant s’approprier quelques pouvoirs ? Arrivera-t-il à charmer ses hôtes et à mieux s’intégrer ?
C’est quasiment plus en ethnologue qu’en bédéaste que Jérémy Perrodeau semble avoir abordé Le visage de Pavil. En effet, même si un semblant d’intrigue permet au récit d’exister et de se développer, le centre d’intérêt de l’auteur du Long des ruines ne se concentre pratiquement que sur la mystérieuse civilisation Hodä. Mythologie, histoire, croyances, habitudes alimentaires et culturelles, etc, tel Claude Levi-Strauss, il dresse une fresque éloquente et enthousiaste de cette société remplie de légendes et de secrets. De plus, le scénariste a pensé à insérer quelques accroches reliant ce mini-monde avec le reste de la planète. Ainsi, de curiosité exotique, cet îlot rocheux devient une pièce d’un puzzle plus grand puisque certains éléments mis à jour par le héros suggèrent qu’un passé commun, ou du moins connecté à une certaine époque, existe entre ce microcosme et le continent.
Outre un côté très Indiana Jones et les trésors cachés, l’aspect humain n’a pas été oublié. Pavil apprivoise et est apprivoisé par la population. Chacun doit accepter les différences de l’autre et apprendre à oublier les a priori et les préjugés. L’étranger est certes un impérial (ici, comme dans les galaxies lointaines, les empires n’ont pas bonne réputation), mais il est un invité et, visiblement, il fait des efforts. Il mérite une chance, malgré ses maladresses. Au final, ce mélange des genres (plus quelques surprises qu’il serait fâcheux de divulgâcher) fonctionne bien et rend la lecture prenante. Perrodeau s’est amusé à créer un univers dans sa globalité et une chose est claire : son imagination est débordante d’inventions et de générosité.
Doté d'une mise en image façon Brüno (album après album, cette influence majeure continue de coller à la plume du dessinateur), et d'une très jolie colorisation sur trois tons rappelant les estampes japonaises et une gestion du temps et des silences remarquable, Le visage de Pavil offre un excellent moment de lecture sous le signe du dépaysement et de la découverte.
Les avis
Pulp_Sirius
Le 06/08/2024 à 03:15:36
Si l'on peut trouver une qualité à cette histoire, c'est qu'on veut vraiment savoir comment ça va se terminer.
Mais à l'instar de "Crépuscule", du même auteur, la fin n'apporte pas de réelles réponses. Quelques-unes, certes, mais qui ne font qu'amener d'autres questions. C'est frustrant. Sinon, tout l'album ne sert qu'à mener vers ce final si décevant. Le dessin est agréable, mais sans plus. Les dialogues n'ont aucune saveur particulière. Le scénario se laisse lire, mais il y a peu d'excitation.
On veut savoir qui a raison et ce qui se cache vraiment sur l'île, et une certaine tension imprègne l'album... mais l'émotion, finalement, n'est pas au rendez-vous. La lecture, au moins, demeure agréable. "Crépuscule" demeure pour l'instant la meilleure histoire de Perrodeau.