"
On a tous dans l'coeur une petite fille oubliée
Jupe plissée, queue d'cheval à la sortie du lycée"
Celle qui occupe toujours un coin de la mémoire de Kek, c'est Virginie. Ils avaient 9 ans, échangeaient billets doux et petits baisers sous l'oeil complice et rigolard de leurs copains. Elle avait les cheveux bouclés et un appareil dentaire. Il avait manqué de courage quand il aurait fallu lui dire au revoir parce qu'elle déménageait à l'autre bout de la France.
Le temps a passé, il ne l'a pas oubliée. Il a même essayé de retrouver sa trace à plusieurs reprises en tapotant sur un clavier, sans aller plus loin. Cette fois pourtant, il a des chances sérieuses d'y parvenir.
Et voilà, encore une histoire héritée de la blogosphère ! Sur le mode du journal, Kek avait livré une historiette charmante et légère, volontairement naïve sur le fond comme dans la forme où il s'ouvrait sur son premier amour. Celui qui reste, rendu inoxydable par diverses couches de nostalgie. Il doit y en avoir plus d'un parmi nos contemporains qui se plaisent à caresser de temps à autres ces souvenirs d'une époque insouciante et qui paieraient cher pour les faire revivre ou les prolonger, ne serait-ce que "pour voir". Pour voir si l'autre a changé, si on a laissé un souvenir à la hauteur de celui qu'on garde de l'autre, si les circonstances d'hier ne sont pas des détails plutôt que de réels obstacles, ou si tout bêtement on n'a pas trop changé soi-même sans s'en apercevoir.
Celui qui n'a pas ça en tête peut faire l'économie d'ouvrir ce livre. Le récit est fluide, le ton est sincère (forcément puisque selon les dires de l'auteur il s'agit d' "une histoire qui s'est passée pour du vrai"), un suspense pour de rire s'installe (va-t-il la retrouver ? pour quelles conséquences ?), l'humour doublé d'une pointe d'auto-dérision est bien présent. Mais on en reste là, rien d'impérissable. Le dessin colle au ton. Kek a saisi l'occasion de cette confession pour apprendre à dessiner, ce qui lui fait alors un point commun avec son directeur de collection qui avait eu la même démarche avec Lapinot et les carottes de Patagonie il y a quelques années. C'est ce que retiendra l'anecdote plutôt que l'Histoire. Bref c'est mignon tout plein et indiscutablement plus intéressant que ce qu'un coup d'oeil trop rapide pourrait laisser supposer.
Les gardiens de la tradition de la BD feront l'impasse, les curieux se laisseront tenter et parmi eux certains tomberont sous le charme, au moins le temps de la lecture. Et puis c'est toujours bien les histoires d'amour. Quelle que soit la forme, innovante ou classique. Là, on a l'impression d'avoir les deux : un album qui n'est pas sorti du moule traditionnel et un titre aux fragrances subliminales qui rappelle des souvenirs. C'est vrai quoi, pour planter un décor, Colle et Virginie, ça le fait...