Résumé: Angleterre, mars 1941. Virginia Woolf longe les bords de la rivière Ouse. Elle ramasse une pierre, la soupèse et observe le cours d'eau. Elle songe à la bataille féroce que le monde se livre à lui-même et qu'elle se livre à elle-même. Tout ce qui l'a amenée sur ce rivage prend vie dans d'éclatantes réminiscences, symboles de l'extrême force de ses sentiments : sa passion pour son amante Vita Sackville-West, sa tendresse pour son mari, l'irremplaçable Leonard, et la douleur de perdre les siens. Ses œuvres nourries de ces sentiments ont révolutionné la littérature et ont fait passer à la postérité l'une des plus grandes autrices de ce monde.
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n mars 1941, dans la campagne du Sussex, une femme de cinquante-neuf ans se tient sur la rive de l’Ouse. Les traits tirés, l’esprit alourdi d’une ancienne bataille contre elle-même, la tête emplie de rage, d’horreur et d’un hurlement continu, elle leste ses poches de quelques pierres. Dans les années vingt, Virginia Woolf était membre d’un groupe d’intellectuels, le Bloomsbury Group, et déjà une romancière reconnue unanimement. Mariée au dévoué Léonard Woolf, elle vécut une passion amoureuse, folle et heurtée, avec Vita Sackville-West. Son existence sera écartelée entre cette liaison, un état dépressif chronique et l’écriture, qui lui permet de déverser, dans tous les personnages qu’elle crée, les nuages qui assombrissent son âme depuis la mort de ses parents, de sa demi-sœur et de son frère.
Liuba Gabriele, poétesse, peintre et illustratrice milanaise, signe sa première bande dessinée avec Virginia Woolf . Virginia Woolf est devenue iconique, pour ses qualités littéraires et son engagement pour la condition des femmes, faisant d’elle l’initiatrice de la littérature féministe, notamment avec Une Chambre à soi. L’autrice évite cet aspect de l’œuvre et de la personnalité de l’écrivaine. Elle choisit de mettre en images des instants précis et intimes de son existence, c’est-à-dire des situations qui, par définition, n’ont pas eu de témoin et n’ont pu être narrées. Piochant dans ses romans, son journal et sa correspondance, elle imagine la manière dont les choses ont pu se passer : la rencontre et la liaison avec Vita, puis son éloignement géographique forcé et sa trahison, les moments de déprime et les dernières heures avant le suicide.
Malgré la noirceur du personnage et de ses pensées, c’est un écrin de couleurs vives qui accueille ces instants de vie. Refusant un réalisme qui serait convenu, Liuba Gabriele opte pour l’expression des sentiments, à la manière des impressionnistes et des pointillistes. Van Gogh n’est jamais très loin de ces cieux chargés, de cette flore exubérante et de ces paysages multicolores. Grâce à ce trait audacieux et personnel, la sensibilité de Liuba Gabriele se superpose à celle de Virginia Woolf, permettant le surgissement d’une succession de tableaux, au charme incontestable et à l’émotion simple. Hommage à une immense artiste, mise en image de troubles concernant tout être humain, album criant le plaisir de l’image et de sa collision aux mots, Virginia Woolf saura séduire les lecteurs les plus aventureux.