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urope, 1958. Le bureau d’architectes est en ébullition, il s’agit de concevoir le projet urbanistique le plus important depuis la fin de la guerre. Les idées fusent, les théories s’affrontent, les croquis et les plans s’accumulent sur les tables. Le contrat est gagné, mais au fil des années, les illusions s’effilochent alors que des prérogatives pratico-pratiques prennent le dessus.
Album concept venu de Pologne, Ville Nouvelle raconte la passion qui habite les bâtisseurs et les nombreuses désillusions rencontrées par ses artistes condamnés à voir leurs créations se dissoudre devant les réalités de la politique et des besoins toujours fluctuant des populations. Lui-même du métier, Lukasz Wojciechowski sait de quoi il parle et son récit, entre uchronie et essai argumenté, se montre intéressant et particulièrement incarné. La mécanique narrative, au demeurant très simple (le temps s’écoule et les âmes se dessèchent), fonctionne étonnamment bien. De plus, alors que le sujet et son traitement auraient pu se révéler quelque peu arides, le scénariste a su alléger son discours avec un humour discret qui devrait rappeler des bons souvenirs aux lecteurs de L’ascension sociale de Monsieur Lambert de Sempé ou du Dilbert de Scott Adams.
Curiosité formelle doublée d’une réflexion profonde et sincère, Ville Nouvelle est une lecture originale et nettement plus riche que pourrait le suggérer le rendu synthétique de ses illustrations.