S
uède, 2005. Alors que les employés de la maison de retraite où il a été obligé de vivre préparent les festivités entourant son centième anniversaire, Allan Karlsson a d’autres idées en tête. La première est de se tirer fissa de cet établissement ! Cent ans ou pas, il n’a pas envie de moisir derrière ces murs. Il décide donc de se faire la belle et de se trouver un petit coin afin d’être tranquille. Il faut dire que le gaillard a de la ressource. Tout au long de sa longue existence, il a toujours réussi à se sortir des pires situations. Là, il n’a pas trop le temps, mais ça vaut vraiment le coup d’écouter ses racontars. Un autre fois, peut-être. Arrivé à la gare routière, suite à un quiproquo, il se retrouve avec une valise remplie de couronnes entre les mains. Le propriétaire de la dite mallette, un mafieux de seconde zone, est évidemment chafouin. Allan va devoir se mettre au vert et rester discret. Il ne faudrait pas, en plus, que la police le retrouve et le ramène dans ce fichu hospice.
Immense succès de librairie signé Jonas Jonasson, Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire s’est vendu à des millions d’exemplaires à travers la planète depuis sa parution en 2007. Roman picaresque mâtiné de satire sociale, le texte revisite le XXe siècle par l’intermédiaire de son héros, une sorte de Forrest Gump suédois, éternellement au bon moment au bon endroit pour participer à des évènements-clefs de la grande Histoire. Farfelu, rempli d’humour et doté d’une galerie de personnages aussi hauts en couleur qu’attachants, il s’agit de l’exemple parfait de lecture «feel-good». Après une version cinématographique (Felix Herngren, 2013), Grégoire Bonne et Taillefer proposent une adaptation bédé aux éditions Philéas.
Autant le dire tout de suite, cette version dessinée déçoit. Collant intimement au texte d’origine, la narration semble avoir perdu toute la légèreté et la fantaisie contenue dans la prose de Jonasson. Certes, les péripéties incroyables émaillant la trajectoire du vieillard ainsi que les différents protagonistes sont bien là, mais quel manque d’énergie et de ressenti ! Dans Le meunier hurlant et La forêt des renards pendus, des textes d’un genre très comparable, Nicolas Dumontheuil avait parfaitement su capter et retranscrire, sans la trahir, la folie anarchisante d’Arto Paasilinna. Dans la cas présent, Bonne et Taillefer n’offrent qu’un album lisse aux couleurs basiques et à la mise en page plate et dénuée de charme.
Adapter pour adapter, sans apporter de vision personnelle ou de supplément d’âme s’avère un peu vain. Résultat, Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire ressemble à de la simple exploitation opportuniste d’un titre populaire. Dommage.