Résumé: Il y a des rencontres improbables sur le continent africain.
L'éditeur pierre paquet découvre le travail du dessinateur de presse gabonais pahé en côte d'ivoire. ils se rencontrent au cameroun, où ils décident de travailler ensemble. avec cette trilogie, pahé nous retrace sa vie rocambolesque entre les continents africain et européen. sans tabou, il nous fait partager sa vision du monde et nous parle de la condition d'un homme noir dans nos sociétés modernes avec humour et simplicité.
L
oin des clichés misérabilistes sur l’Afrique noire, Patrick Essono poursuit avec verve l’histoire de ses allers et venues entre la France et le Gabon de ses jeunes années. Le ton est cru, l’humour bien senti et la tendresse pointe souvent au détour de la page. L’auteur a le sens de l’à-propos, de la mise en place comme du détail qui fâche. La vie de Pahé, c’est aussi du bon vieux poil à gratter saupoudré du sel d’années de dessin de presse. Le regard est distancié, souvent sans concession, et verse volontiers dans la franche dénonciation du racisme ordinaire à la française ou de la corruption de la sphère politique gabonaise et des régimes africains népotiques. L’expérience aguerrie du caricaturiste se fait sentir, celle de celui qui sait pertinemment où se situe la ligne à ne pas franchir pour ne pas se mettre en danger. Et si la critique est parfois acerbe, elle ne se départit jamais de la fraîcheur et de l’autodérision qui caractérisaient déjà le premier album. Pahé se met alors en scène avec talent et drôlerie même si, de temps à autre, l’ennui pointe quelque peu tant l’histoire semble bégayer.
D’un boui-boui à Libreville dénommé « Visa-Schengen » à la rue du Terroir dans une cité pavillonnaire, de la banlieue parisienne aux tribulations dans le RER, de l’évocation gloubi-boulguesque des après-midis devant Récré A2 et des soirées arrosées dans les maquis africains, les pérégrinations de l’auteur font la part belle aux situations cocasses comme à des expressions à tout le moins imagées. Le parallèle jubilatoire et plein de bon sens entre les deux pays sonne juste et le choc culturel produit évidemment les étincelles attendues. Ode à la débrouille, au système « D », chacun saura désormais comment se dépatouiller d’un contrôle dans le métro : sortir sa carte consulaire et ne jamais oublier cette adresse, celle de l’ambassade du Gabon à Paris, le 16 bis avenue Raphaël !
Quant au dessin, à l’avenant, s’adapte parfaitement au genre, celui du comique de situation. Simple et peu esthétisant, le trait se veut avant tout efficace et spontané. Les couleurs, primaires et chaudes, rappellent sans cesse le meilleur du comic-strip et du dessin d'actualité.
Chronique sensible de l’intégration et de la différence, La vie de Pahé mérite que l’on s’y attarde en attendant le dernier tome de la trilogie même si certains tics de langage ou de construction peuvent agacer.