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ob Leclerc a 57 ans. Ancien pilote de chasse, il coule une vie tranquille dans un quartier populaire de Montréal. Pourtant, en 1959, un événement extraordinaire bouleverse son existence. Les Martiens veulent envahir la Terre et mettent au point une redoutable machination. Ils infiltrent petit à petit la population en prenant une apparence humaine et préparent ainsi, de l'intérieur, une vaste offensive. Bob est l'un des rares à être au courant de cette terrible menace. En compagnie d'un petit groupe de scientifiques, il élabore un plan pour sauver la planète. Vont-ils réussir à mettre un terme à cet horrible cauchemar ?
Grégoire Bouchard est né en 1965. Pourtant, malgré son jeune âge, il semble avoir été profondément marqué par les années 60. D'ailleurs, il aime à rappeler que sa venue au monde coïncide avec la séparation des "Jaguars", un célèbre groupe yé-yé de l'époque. Mais ce sont surtout les séries de science-fiction, comme "Thunderbirds" ou "Fusée XL5" qui ont influencé son travail. Cet aspect kitsch, un peu démodé, voire vieillot, se retrouve volontiers dans Vers les mondes lointains.
Vers les mondes lointains, c'est avant tout une ambiance, celle du Montréal de la fin des années 50, de ses rues recouvertes d'asphalte gris, de vieux panneaux publicitaires aux slogans rétros vantant des produits aujourd'hui disparus. Mais aussi du temps où les vétérans évoquaient chez Tony, devant un hamburger-frites dégoulinant jusque sur les mains, leurs souvenirs de guerre ou leurs exploits face aux asiates. Un poids du passé que beaucoup ont pourtant du mal à supporter, certaines cicatrices morales restant désespérément ouvertes. L'auteur semble visiblement nostalgique de cette époque qu'il n'a toutefois pas connue. Même si, de temps en temps, il vient à se moquer d'aspects désuets quelque peu rococo ou d'un patriotisme exacerbé. Le ton, au premier abord sérieux et grave, s'avère bien souvent à prendre au second degré.
L'histoire elle-même est finalement reléguée au second plan, exagérément étirée, presque noyée dans le décor. Car il faut bien l'admettre, il ne se passe pas grand chose pendant les quelques 150 pages que compte l'album. "Maintenant Bob Leclerc sait que les Envahisseurs sont là, qu'ils ont pris forme humaine et qu'il lui faut convaincre un monde incrédule que le cauchemar a commencé" sonne comme un air de déjà entendu et on ne peut pas vraiment dire que Bob soit très pressé de sauver le monde, plus occupé qu'il est à ressasser ses vieux souvenirs de pilote. Ces derniers prennent la forme de nombreux flashbacks qui éloignent constamment de l'intrigue principale et lui font perdre toute son intensité.
Le dessin semble tout droit sorti de certaines revues de science-fiction des années 60, telles que "Météor" ou "Sidéral". Il faut de plus s'habituer à la physionomie particulière des personnages, à leurs visages ravinés, à leurs yeux minuscules, à leur absence quasi totale de mouvements qui leur donnent finalement des allures de zombies, plus que d'êtres humains. Néanmoins, les décors et les couleurs sont pour la plupart réussis et aident à l'immersion dans le Montréal de l'époque. Enfin, il est à noter la très bonne qualité d'ensemble de l'ouvrage, à l'esthétique irréprochable, propre à la collection "Discover" des éditions Paquet.
Pour les lecteurs fans de batailles intergalactiques, de combats épiques, bref, d'action pure et dure, Vers les mondes lointains se révélera d'un ennui incommensurable. Pour les autres, ce récit d'anticipation, parfois un peu longuet, possèdera certains atouts qu'il sera nécessaire de développer dans une suite, laissée envisagée par la fin de l'album.
Les avis
zaaor
Le 24/09/2008 à 04:53:00
Ici, nous nous trouvons en face d'une oeuvre complètement...pas banale.
Tout d'abord, la collection Discover ne cesse de m'étonner avec leurs albums aux
coins arrondis, reliés, avec signet.
Ça c'est pour l'enrobage. Pour le contenu, que dire? Dense, magistral. Chaque
vignettes vit par elle-même. Que de détails. Je ne pouvais lire en passant d'une
case à l'autre sans m'attarder. Que de minutie dans le trait, le dessin impeccable
et précis. Oui, les visages ne sont peut-être pas les plus sélects de l'histoire e la
bd mais la finesse du décor l'est. En m'attardant longuement sur chaque case,
chaque planche, ça m'a pris deux jours lire. Je n'ai jamais vu autant de traits
minutieux.
Et moi qui croyait que c'était un one shot. Je devrai attendre le second tome pour
connaître la suite. J'espère qu'elle sera aussi magistrale. Parfois quelques
longueurs mais qui prolongent le plaisir de découvrir. J'ai aimé les digressions qui
peuvent sembler déstabilisantes à certains. Tout est un cercle de flashbacks dans
le présent, le passé et même l'avenir.
Car avec le début de l'histoire et la fin de celle-ci, il va falloir attendre en tapant
du pied ce qui se passa entre les deux.
De l'excellent travail qui hausse la qualité des bédéistes québécois.
Bravo Grégoire!
fanch7
Le 09/04/2008 à 13:08:04
Cet album est un ovni.
Le récit principal se situe à la fin des années 50. Les Martiens veulent envahir la Terre. Bob Leclerc, un ancien pilote de chasse ayant combattu les Asiates quelques années plus tôt est l'un des rares à être au courant de cette terrible menace. Avec un petit groupe d'amis, il élabore un plan pour sauver la planète...
Si l'on est dans l'attente d'un récit SF classique avec affrontement épique entre deux civilisations, on peut-être vite frustré par le déroulement du récit. Mais en fait l'interêt de ce livre n'est pas là.
Grégoire Bouchard, avec son utilisation de la voix off et son dessin maniaquement minutieux à la Geof Darrow, nous raconte une histoire fascinante et incroyablement dense ou il passe à la moulinette tous les grands thèmes de la SF et des récits de guerre des années 50.
C'est en même temps une vision très dure mais aussi très juste de notre monde moderne.
Alors bien sûr, quand après plusieurs heures de lecture, on lit le mot fin on a un peu l'impression que tout cela se finit en queue de poisson... Sauf que, selon l'éditeur, Grégoire Bouchard travaille actuellement sur la suite!
Et là on se prend à rêver en se disant que l'on a peut-être entre les mains le début d'une des plus fantastique BD de SF depuis l'Incal.