Résumé: En 2007, Jean-Sébastien Bérubé retourne à Rimouski afin de passer sa ceinture noire de karaté kyokushin. Il retrouve son professeur d'antan, le shihan (maître) Sylvain Lessard, atteint d'un cancer et se sachant condamné. Jean-Sébastien décide alors de tout donner dans son entrainement afin d'honorer les derniers jours de son professeur. Sa famille s'est toujours opposée à sa pratique du karaté, en particulier son grand-père qui méprise profondément ce sport violent. Jean-Sébastien doit également combattre en dehors du tatami pour apprendre à se faire respecter et suit une psychothérapie pour l'aider à s'affirmer. Mais cette pratique l'éloigne encore plus de sa famille, son père et son grand-père considérant la psychothérapie comme une arnaque pour les faibles d'esprit. Jean-Sébastien ne se décourage pas pour autant et poursuit son chemin, en dépit de ces drames familiaux et de ses problèmes sentimentaux.
D
e retour à Rimouski après son périple initiatique népalais (cf. Comment je ne suis pas devenu moine), Jean-Sébastien a bien de la misère à reprendre le petit train-train quotidien et, surtout, à faire accepter ses choix à des parents peu enclins à imaginer d’autre manières de vivre que la leur. Mi-soumis, mi-contraint par les réalités matérielles, le jeune homme décide de se prendre en main, même si, pour l’instant, il est obligé de squatter le sous-sol de l’entreprise familiale afin de créer ses bandes dessinées («Quelle lubie !» ne cessent de lui répéter tant son père que son grand-père). Heureusement, il a toujours le karaté pour évacuer ses frustrations et canaliser son énergie. D’ailleurs, il a un objectif : décrocher sa ceinture noire !
Sincère et impitoyable chronique autobiographique, Vers la tempête est une lecture intense et remuante. Jean-Sébastien Bérubé fait preuve d’une profonde honnêteté et ne cache rien des différents traumas qu’il a dus affronter. Une famille sans pitié, des figures paternelles castratrices, une enfance difficile marquée par un bégaiement source de railleries de la part de ses condisciples, etc., courageux et ne sachant pas comment faire autrement, il n’a cessé de tout prendre sur lui. Ces situations intenables le conduiront même aux urgences psychiatriques et à entreprendre une thérapie, lui évitant certainement le pire. Pour autant, il ne s’autorise aucune forme d’auto-apitoiement. Non, grâce à une force intérieure impressionnante et une créativité salvatrice, le tout aidé par la discipline exigée par son sport de prédilection, il arrive à faire face à son existence et, finalement s’affirmer. Par contre, le chemin n’aura pas été facile, entre des disparitions tragiques, galères amoureuses et éternels soucis financiers, le sort n’aura vraiment pas été clément avec lui.
Graphiquement, l’encrage et le découpage s’avèrent plus solides que dans ses œuvres précédentes. De plus, cette maîtrise nouvelle n’empêche pas la sensibilité de s’exprimer et une certaine fragilité de continuellement transparaître. Résultat, cette mise en image accompagne et souligne parfaitement les états d’âme du héros. Également très réussies, de nombreuses trouvailles graphiques (les enchaînements de kata lors des entraînements et les compétitions sont admirables de dynamisme, par exemple) démontrent la maturité que l’auteur a atteint. Le seul bémol vient de la sous-utilisation du cadre géographique, les quelques rares vues de la ville et de ses environs peinent à donner un vrai aperçu de la région et enferme quelque peu la narration.
Après un premier quart de mise en place un peu poussif, Vers la tempête prend vraiment son envol. Jean-Sébastien Bérubé offre alors un récit psychologique poignant mettant de l’avant la résilience d’une personnalité dotée d’une force de caractère insoupçonnable à première vue. C’est évidemment de lui qu’il parle, mais, grâce à son talent de conteur, ça pourrait aussi bien être n’importe qui d’autre.