Info édition : Mention "/001" après l'ISBN Dossier de 8 pages en fin d'album sur Chef Joseph.
Résumé: La longue marche des Nez-PercésVers la fin du XIXe siècle, la magnifique vallée de la Wallowa, territoire ancestral des Nez-Percés, est convoitée par les colons américains, appâtés par ces terres réputées aurifères et propices à l'élevage. Après l'échec de longs pourparlers, la tribu doit se résoudre, la rage au coeur, à quitter ses terres situées dans l'est de l'Oregon pour échapper au joug des autorités fédérales et à l'enfer d'une vie dans les réserves. Sous l'autorité de Chef Joseph, elle décide d'entreprendre le plus périlleux des exodes en tentant de rejoindre la frontière canadienne, avec près de 800 âmes, dont femmes, enfants et vieillards ainsi que des milliers de chevaux. Animés d'un courage à nul autre pareil, les Indiens se fondent dans le paysage et progressent à marches forcées à travers la chaîne vertigineuse des Bitteroot Mountains, telle une tribu fantôme. C'est le début d'une traque acharnée à travers l'Idaho, le Wyoming et le Montana avec à leurs trousses l'armée américaine, marquée par le désastre de Little Big Horn. Après plus de 2 000 kilomètres parcourus, l'odyssée des Nez-Percés s'achève tout près du Canada par une ultime défaite face aux troupes du colonel Miles. Malgré la reddition de Chef Joseph, ce périple d'une tribu pacifique reste un symbole, celui d'une résistance héroïque face à l'envahisseur.
Accompagné par l'historien Farid Ameur, spécialiste de la conquête de l'Ouest américain, François Corteggiani, grand connaisseur également des récits du Far West, et Gabriel Andrade nous entraînent dans un western haletant sur les traces d'un épisode mythique des guerres indiennes et d'une figure légendaire, à la fois attachée à ses traditions et éprise de liberté.
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epuis des temps immémoriaux, la tribu des Nez-Percés vit dans la Wallowa, vallée luxuriante et giboyeuse de l’Oregon. Une coexistence pacifique se met en place avec l’arrivée des premiers colons, peu nombreux et discrets. Mais dans la seconde moitié du 19ème siècle, la conquête de l’Ouest bat son plein. Les exilés européens sont avides de nouveaux territoires à dominer et exercent une importante pression sur le gouvernement, jusqu’au président Grant. À cette soif d’expansion s’ajoute une rumeur tenace faisant état de filons aurifères, promesse de fortune facile et rapide. Le consensus est unanime et sans appel : les Indiens doivent laisser la place. En septembre 1877, dans le Montana, le 7ème de Cavalerie, le régiment qui a été défait par les Sioux à Little Big Horn l’année précédente, tend un piège aux Nez-Percés, plusieurs centaines d’individus forcés à un exode incertain. Deux éclaireurs sont retrouvés criblés de flèches. Les tuniques bleues sont confiantes : le nombre est pour elles et ce ne sont que des sauvages. Mais ceux-ci connaissent la nature et l’environnement. Ils disparaissent comme par magie et réapparaissent là où on ne les attend pas. Cependant, leur principale force est d’être menés par chef Joseph, rusé, pacifiste, cherchant davantage l’esquive que l’affrontement. L’impatience et l’agacement des autorités sont à leur comble. La mécanique de conflit est enclenchée.
Chef Joseph est le cinquième volume de la collection La véritable histoire du Far-West. Écrit par François Corteggiani (De Silence et de sang, La Jeunesse de Blueberry), dessiné par Gabriel Andrade (Aliens, Les Enquêtes de Machiavel) l’album retrace un des épisodes les plus fameux de la culture indienne et dresse le portrait d’un chef atypique. Élevé par des Presbytériens, d’où son patronyme, chef Joseph a toujours prôné la diplomatie face à la violence, a pratiqué davantage la ruse que l’offensive. Tiraillé entre ses convictions, la parole donnée à son père de ne jamais laisser leur terre nourricière et la fougue des jeunes braves, il incarne l’indécision et la solitude dont sont constitués les leaders. Le récit, très dialogué, met également bien en valeur comment les rouages du casus belli se mettent en branle, presqu’insensiblement. Enfin, il met le doigt sur une problématique qui alimente encore de nos jours l’actualité américaine, à savoir l’absence de remise en cause des blancs, persuadés d’être dans leur droit, que ce sont les Indiens qui veulent se battre. Pétris de mauvaise foi, de suprémacisme et de rhétorique spécieuse, ils étalent leur arrogance sans vergogne.
Faisant immanquablement penser à celui de Jean Giraud, le graphisme de Gabriel Andrade fait la part belle aux grands espaces, aux pentes forestières et aux escarpements impraticables. Il n’en oublie pas pour autant le réalisme des champs de bataille ou la poésie des visages. Œuvre engagée, Chef Joseph est un coup de projecteur sur un morceau d’histoire méconnu de ce côté de l’Atlantique. Élaborée avec rigueur, mise en image avec force, elle peut pécher par excès d’académisme et de didactique, justifié et excusé par un devoir de mémoire nécessaire.