Les livres et études savantes sont pléthores, les films aussi nombreux, sans compter que l’Oncle Paul s’est penché sur le dossier (Spirou #943 du 10 mai 1956). De leur côté, Séverine Lambour & Benoît Springer ont décidé de retourner aux sources afin de raconter les faits, d’une façon neutre et objective. Pour éviter les dérives, ils se sont basés sur un document extraordinaire : les minutes de son procès en hérésie où toute la vie de la Pucelle d’Orléans est passée à la loupe, dans le but d’y déceler l’influence du Diable. Odeur de souffre ou pas, peu importe, outre une biographie détaillée, cette archive offre également une description à la précision inégalée des conditions de vie d’une femme en cette fin de Moyen-Âge. Finalement, celles-ci révèlent que Jeanne, en dépit de son importance indéniable, n’était qu’un pion parmi beaucoup sur l’échiquier géo-politique de l’époque. Inspirée par Dieu, elle a, certes, mené sa «croisade» et permis à Charles VII d’être sacré à Reims (même s'il avait déjà été couronné avant). Cependant, en prenant un peu de recul, les annales montrent bien qu’elle a énormément été utilisée par les puissances en place dans des objectifs plus prosaïques que véritablement sacrés.
Lecture très dense, regorgeant de détails, d’anecdotes et de précisions diverses, La véritable histoire de Jeanne d’Arc est une affaire nettement plus sérieuse que pourraient le suggérer les dessins de Benoît Springer. En effet, derrière le trait sympathique, les caricatures et les petits gags, il s’agit d’un livre quasiment académique, plutôt que d’une déconnade à charge estampillée Charlie Hebdo. Les auteurs filent droit et, entre deux mises en contexte, dressent un portrait au plus près de la vérité. Une figure emblématique (certainement), une héroïne (pourquoi pas), un marqueur historique (cela ne fait aucun doute) ; surtout une femme (chose rare à ce moment) prise dans le cours d’évènements plus grands qu’elle et qui, jusqu’à la dernière minute, n’accepta jamais de compromis à propos de ce qu’elle pensait être juste. Une remise à plat hautement salutaire et parfaitement réalisée.