Après un tome 23 qui m’avait légèrement déçu, quel serait mon sentiment après la lecture du dernier tome paru. Plus qu’un jour avant le grand Duel- le suspense est à son comble !- face à la grande montagne, mais c’est au détour d’un songe de notre héros que l’auteur préfère nous livrer un moment choisi, un bout de réel, de la jeunesse de Miyamoto Musashi.
On le retrouve haut comme trois pommes à jouer dans la forêt faisant partie intégrante du monde des vivants en tant qu’interaction entre ses sensations, sa représentation, et les etres vivants qui l’entourent. On est loin du néant et du rien si présent lors du précédent tome. Une phrase, autrefois, l’avait sublimé : « ne faire qu’un avec l’univers », mais l’apparition et la rencontre, tout de suite après, avec Kojiro Sasaki rompt ce « vide » par le jeu d’Eros et de Thanatos qui, à l’inverse, force Miyamoto à une introspection rapide. Une analyse aucunement affligeante ou navrante qui le poussera à demander une forme de pardon heureux à son « moi » de jeunesse.D’une certaine manière, notre héros va à l’encontre de la vision et de l’idolatrie rampante qui jusqu’ici le poussait au meurtre, et surtout de l’archaisme qui en résultait.
Et c’est maintenant que l’on comprend le « détour » du tome 23, et du sens du discours ( ce qui m’avait légèrement déçu !, je le rappelle) de l’ancien forgeron.( autant pour moi !)
Tout cela pour en arriver au Duel face à Denshichiro, ou notre héros perpétue le jeu du bâton ( L’image de la couverture ou les 2 hommes dos à dos ont des sabres mais s’amusent chacun avec un bout de bois annonce un sens pratique et par-là meme une forme de cérémonie d’amitié ambivalente !) dans un environnement précis, ou l’auteur prend garde à ne pas réduire son titre à l’action pour l’action simpliste comme le pense la plupart des badauds amassés pour voir du sang et des morts violentes , ( ce qui est vrai, mais ce n’est qu’une interprétation !) mais bien tout un travail joueur, en continuité, instauré par Kojiro. Le fait que Miyamoto se pose la question de la manière de tuer son adversaire ritualise l’événement, et lui donne une profondeur relationnelle ambivalente, ambiguë, et diffuse qui désoriente.
La métamorphose de la rage hasardeuse en un sourire doux et distant ne fait qu’accroître le pouvoir et la puissance attractive du Duel. Au final, il est interessant de remarquer que le jeu mortel ne diffère pas du précédent jeu avec le morceau de bois qu’il soit sérieux ou non.
C’est en s’attardent sur l’alentour, et sur les errances en ville ou introspective que l’auteur Takehiko Inoue réussit un chef d’œuvre. Il ne réduit pas son titre à un simple présent cognitif paumé dans un plaisir rigide, mais il met en place une forme de culpabilité souple par rapport au « moi » de jeunesse qui influera sur la personnalité, et modulera, ainsi, par l’écoute la matière vivante en tant qu’amplitude qui prend forme. On se sent soulagé après avoir cru un instant que le titre s’enfermerait dans une vision archaique.
Bravo ! ! !
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