Résumé: Un jour, l'enseignant de Jarrett veut qu'il dessine sa famille : une maman et un papa. Sauf que sa mère, toxicomane et alcoolique, passe son temps en centre de désintoxication et son père, il ne le connaît pas. Ce petit garçon a été élevé par ses grandsparents : deux personnalités très imposantes mais qui vont l'aimer. Sa passion pour le dessin lui permettra de surmonter cette enfance, faite de secrets et de non-dits.
Celle de Jarrett J. Krosoczka ne fait pas exception. Loin de là... À travers ce livre, il raconte ses origines et comment il s'est construit dans un environnement familial compliqué.
Tout petit, il fut retiré de la garde de sa mère pour être confié à ses grands-parents. Dès lors, il ne la voit plus que de manière très épisodique. Un non-dit, facilité par l'âge du petit Jarrett, plane sur les raisons de son absence. Malgré leurs défauts, le petit garçon aime Joe et Shirley, qui l'élèvent désormais. Puis sa maman va revenir vite, elle l'a promis. Mais elle ne revient pas et il sent une animosité grandir envers elle, qui n'est plus qu'une maman-fantôme. Quant à son père, il ignore jusqu'à son nom. Il faudra des années pour qu'on lui avoue les problèmes d'addictions de sa mère, accroc à l'héroïne.
Une touche de couleur n'a pas grand chose de surprenant. C'est une récit autobiographique classique qui parle de la difficulté de trouver sa place lorsqu'on ne rentre pas dans les cases d'une société normative. En plus de sa situation familiale particulière, Jarrett n'est pas un enfant sociable, ni sportif. Il représente plutôt la caricature du geek qui rêve de devenir auteur de bande dessinée, plus à l'aise dans les cours d'arts plastiques que dans les activités physiques. Son parcours sera sensiblement le même que celui de beaucoup de ses semblables. Il n'a pas traversé de tragédie exceptionnelle ni réalisé d'exploits remarquables. Il a grandi dans des circonstances qui sont ce qu'elles sont pour devenir un adulte relativement normal avec une expérience unique... comme l'est celle de chacun.
L'intérêt de ses mémoires vient dès lors uniquement de la voix qu'il utilise pour se raconter. De ce point de vue, Il trouve un ton doux et subtil qui évite l'excès de tragédie et les effets larmoyants. Il fait preuve d'une certaine justesse de l'ensemble, croquant des personnages qui possèdent une véritable authenticité, avec leurs failles, leurs défauts, leur beauté particulière. Ainsi, le portrait de sa grand-mère Shirley est particulièrement réussi. Il expose simplement ses problèmes d'alcoolisme, son autoritarisme, mais aussi l'amour qu'elle lui vouait. Et pourtant, il est difficile de ne pas voir en elle les germes de tout ce qui s'est mal passé ensuite. Sans doute est-ce parce que Jarrett J. Krosoczka a pris le parti de montrer sans juger, respectant les zones d'ombre et permettant au lecteur de découvrir les tourments qui secouaient sa famille au même rythme que lui les découvrait au fil des années. La lucidité de l'auteur lui permet de représenter la naïveté de l'enfant sans que cela ne passe pour de l'indulgence. C'est ainsi que nous pouvons ressentir de l'empathie pour les acteurs de sa vie en dépit de leurs faiblesses et leurs erreurs. Et, au fil des pages, l'émotion surgit de manière parfois inattendue, jusqu'à la postface, qui revient succinctement sur ce qu'il advint après la remise des diplômes.
Une touche de couleur est un ouvrage sincère et émouvant. Il trouve un bel équilibre et évite le piège du sentimentalisme. Ce n'est certainement pas le livre de l'année, cependant il possède cette vraie honnêteté et se révèle très touchant.