Info édition : Vernis sélectif en première de couverture. Le nombre de planches inclut sept pages d'illustrations qui apparaissent avant la page des mentions légales. Titre doré.
C
harles Berberian observe ses contemporains. Il les regarde évoluer à la ville, à la campagne, au parc, à la maison, dans les rues et les cafés. Ils sont jeunes, séduisants et indolents. Parmi les thèmes redondants : la fête, la dolce vita, les nouvelles technologies, les relations entre les hommes et les femmes et la paresse. Dans cet univers, il y a peu d’enfants, mais beaucoup de chiens et de chats. De ses observations sociologiques, il tire des dessins publiés dans Grazia, L’Obs et Spirou. Les éditions Chêne ont réuni une centaine de ces travaux dans Une époque fantastique.
L’album s’inscrit un peu dans la continuité de Monsieur Jean ou des Bobos, deux séries réalisées avec Philippe Dupuy. Les protagonistes demeurent les mêmes, à savoir des trentenaires parisiens bon chic bon genre. Cette fois, plutôt que de les mettre en scène, il les croque sur le vif. Il n’y a donc pas de personnage récurrent ou de réel fil conducteur. Les acteurs échangent parfois quelques répliques ; la plupart du temps le trait est suffisamment éloquent et ils demeurent silencieux.
Le témoin ne critique pas, du moins pas ouvertement ; il se contente de transposer ce qu’il voit, essentiellement l’insouciance et l’individualisme. Dans ce recueil, il n’y a pas de tuerie au Bataclan, de cathédrale en feu, de banlieues semblables à des zones de guerre, de masques et de gestes barrière. En fait, il n’y a que la joie de vivre. Le véritable propos se trouve-t-il à l’extérieur de l’ouvrage ? Faut-il entendre que, par défaut, il juge cette génération immature et apathique (d’où un titre à prendre au second degré)? À moins que celui qui a soufflé ses soixante bougies ne réalise qu’il n’est plus dans le coup et qu’il ne comprend pas tout à fait la jeunesse d’aujourd’hui ; il n’est d’ailleurs certainement pas fortuit qu’il confie la conclusion de ce projet à un Bob Dylan chantant The times are a changing.
Les illustrations vont dans tous les sens alors qu’esquisses, abstraction et réalisme se côtoient allègrement. Chacune des planches compte une ou deux vignettes, rarement plus. L’artiste utilise tantôt ses crayons, tantôt ses aquarelles et ses pinceaux. Certaines images sont dépouillées, d’autres surchargées et presque confuses. Toutes ne sont pas réussies ; peu d'entre-elles laissent toutefois totalement indifférent. Il y a souvent un petit truc qui surprend, dérange ou étonne, généralement discrètement posé en bas de page.
Le produit est de très belle facture. De grande taille (246 x 335 mm), il est imprimé sur un papier mat et épais. La qualité se payant, l’objet se montre tout de même coûteux (30 euros) et se lit assez vite. C’est cependant le type de livre qu'on a plaisir à rouvrir.
Un bouquin agréable ; au terme de sa lecture le lecteur se dit du reste que si l’auteur fouillait dans ses vieux courriels, il retrouverait sans doute l’adresse de son pote Dupuy avait qui il arrivait à si bien capter l’air du temps et le traduire en récits.