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erry et Mélina ne vivent plus, ils ne font que survivre en se raccrochant aux souvenirs de leurs bons moments. Pendant que Melinda cherche les raisons cachées de la "rupture", Terry se noie dans ses fantasmes jusqu'à se brûler les ailes et revenir à sa réalité. Et la réalité lui est rappelée par le capitaine Lieubac et le lieutenant Néglia chargés de l'enquête sur le meurtre de M. Glommel, l'ancien patron de Terry. Le rôle de Marco, terré derrière ses fenêtres peintes en noir, apparaît petit à petit.
Jean-Christophe POL a des aptitudes à broyer du noir. "A rien ni personne. A ce sac plastique triste qui chante ses lambeaux sur les lendemains d'un grillage. Merci qui ?" en début d'album en est la preuve. L'auteur semble désabusé et ne pas vouloir d'un avenir heureux pour ses héros. Terry et Melinda ne sont pas sortis de leur univers sordide… Et pourtant Jicépol sait distiller l'espoir en soufflant le chaud et le froid, le bonheur et la tristesse sur un couple dont la femme s'est réfugiée dans le mutisme de la culpabilité et dont l'homme trouve refuge dans ses fantasmes et autres illusions perdues.. Le premier tome amène un goût de pitié pour celui qui gravit le dos courbé cette pente sombre de la couverture, l'akt. 2 laisse une sensation de désespoir lorsqu'il dégringole contre un mur si noir après être passé par une courte résurrection. L'humour et le mystère sont néanmoins là pour alléger le tout et conserver un air à peu près sain et respirable, comme peut l'être celui, vicié, de Marco.
Avec toujours autant d'audace graphique pour un découpage au service de la narration, passant allègrement du gaufrier classique à la planche sans limite de trait et de couleurs, l'auteur se surpasse une nouvelle fois. Deux pages se suivent et ne se ressemblent pas, si ce n'est dans la volonté de transmettre un sentiment en opposition avec le précédent. Le récit est pensé comme un tout et nulle association n'aurait pu permettre une telle osmose. Le terme "auteur complet" trouve ici sa définition la plus vraie.
Faire l'effort de lire une histoire âpre pour y découvrir l'émotion, ce n'est que l'amer à boire.