Résumé: C'est sans doute l'une des affaires d'États les plus emblématiques de la Ve République : parce qu'elle implique notamment l'armée et les services de renseignements, sans oublier deux chefs d'États... Le premier, Ismaël Omar Guelleh, est toujours Président de la République. Le second, Jacques Chirac, n'a jamais livré sa vérité sur cette affaire... Depuis plus de vingt ans, une femme, Elisabeth Borrel, lutte pour obtenir sa part de vérité sur la mort de son mari. Plus les preuves s'amoncellent pour démontrer que son époux a bien été assassiné, plus les obstacles se dressent pour empêcher la justice de faire son travail. Soutenue par deux avocats et par une poignée de journalistes, parmi lesquels David Servenay, elle parvient néanmoins à renverser le cours de l'histoire...
L
e 19 octobre 1995, le corps demi-calciné de Bernard Borrel est découvert au lieu-dit du Goubet à Djibouti. L’homme en question est un juge français détaché au service du gouvernement djiboutien. L’enquête est rapidement bouclée et conclut au suicide. Choquée et refusant les résultats d’une instruction qu'elle estime bâclée, sa veuve, Elizabeth, exige des explications auprès de qui de droit. Sans le savoir, elle plonge les mains dans un panier de crabes aux ramifications supranationales. Plus de vingt après les faits et autant de dénis de justice, destructions de preuve, menaces et pressions en tout genre, sans compter trois élections présidentielles, la vérité sur cette disparition reste inconnue, secret d’État oblige.
Dès le départ, David Servenay, journaliste à RFI, s’est intéressé à ce dossier. Convaincu lui aussi qu’il y a une ou plusieurs anguilles sous roche, il a mené une investigation parallèle et a assemblé une masse de pièces à charge. Stoppé par sa hiérarchie sur ordre direct du Pouvoir, comme pour les demandes justifiées de madame Borrel, il frappe le mur de la raison d’État dès que ses questions s’approchent trop près de certaines personnalités. D’abord publié dans la Revue Dessinée en collaboration avec Thierry Martin pour les illustrations, Une affaire d’états propose une synthèse des éléments soulevés par cette mort hautement suspecte.
Excellent exercice de vulgarisation et de mémoire, l’ouvrage décrypte en détail la chronologie des différentes étapes de ce scandale sous-jacent. Chapitre après chapitre, les zones d’ombre, les non-dits et les intentions souvent inavouables des parties prenantes sont racontées d’une manière précise, presque chirurgicale. Même si, malheureusement, le fin mot à propos de ce crime ne sera sans doute jamais connu, cette mise en lumière des écarts moraux de la République s’avère incroyable, presque monstrueuse. La vie d’un individu ne pèse finalement pas lourd face à certaines forces. Mais de quelles forces s’agit-il au fait ? Le reporter ne peut proposer que quelques pistes ou possibilités probables, toujours bloqué par un mur de silence aux portes des ministères.
François Renaud, Robert Boulin, Bernard Borrel, Le Juge, Cher pays de notre enfance et maintenant Une affaire d’états, la bande dessinée documentaire a de beaux jours devant elle !
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Les avis
Erik67
Le 03/11/2020 à 12:20:52
Je n'avais jamais entendu parler de cette affaire bien que je suis régulièrement les actualités. On peut parfois zapper la mort d'un juge dans l'exercice de ses fonctions.
Cette bd nous permet d'avoir un éclairage sur sa mort assez étrange qui a été maquillé en suicide pour des raisons d'état. Il convenait de protéger un régime africain corrompu où La France possède la plus importante de ses bases militaires. Petite précision qui a son importance: c'est le gouvernement de Jacques Chirac qui est dans le collimateur de ces affaires puantes.
A la fin de l'ouvrage, nous aurons droit à un entretien avec la veuve courageuse et combative ainsi que les avocats de ses fils pour étudier les mobiles possible de cet assassinat politique. Il faut dire que cette bd fait auparavant toute la lumière sur les rouages diaboliques qui visent à se débarrasser d'un juge devenu trop gênant pour le pouvoir politique.
Bien entendu, c'est honteux et on peut crier en meute au scandale d'état. Mais que d'autres injustices sur cette terre qui attire cependant beaucoup plus mon attention. Certes, ce n'est pas une raison de ne pas se pencher sur cette oeuvre pour se faire son idée.