Résumé: Printemps 1975.
Le dictateur sud-coréen Park Chung-hee a besoin de détourner l'attention de son opinion publique, mobilisée contre une nouvelle constitution qui renforce son pouvoir. Huit hommes désignés comme des agents du nord servent de boucs émissaires. Tous sont innocents. Aucun n'y survivra.
C
orée du Sud, 1975. Le régime du dictateur Park Chung-hee impose une nouvelle constitution afin d’asseoir son pouvoir. Redoutant des débordements, une opération de diversion est organisée par les services secrets. Huit citoyens choisis au hasard sont arrêtés et condamnés à mort après une parodie de justice. Choquée et révulsée, mais totalement verrouillée, la société civile ne peut pas empêcher les exécutions. Plus de vint-cinq après, une commission d’enquête statuera sur l’affaire et révélera la terrifiante supercherie. Les malheureux seront dédouanés et réhabilités.
Travail de mémoire et hommage envers ceux qui sont tombés, Un matin de ce printemps-là revient sur les années sombres qu’a connues le Pays du matin calme sous le joug de Park Chung-hee de 1962 à 1979. Si Park Kun-woong raconte méticuleusement cette affaire et son contexte de façon précise, son propos ne s’arrête pas là. En effet, il va bien plus loin que le simple côté officiel et purement historique. Son regard se concentre tout particulièrement sur les victimes au sens large et laisse la parole aux familles des disparus.
Huit fois de suite, le même récit glaçant se répète. Un mari ou un père aimé qui, un beau jour, ne revient pas de sa journée. Aucune information n’est donnée. Puis, des perquisitions à répétition et une annonce : monsieur Untel, soupçonné d’espionnage pour le Nord (l’excuse habituelle dans ce pays déchiré en deux), a été arrêté par les services de sécurité. Un procès à huis clôs s’ensuit et, après, un premier appel et un deuxième qui confirment la peine capitale. Dans la foulée, c’est l’exécution. Les corps récupérés pour des funérailles à la va-vite montrent des stigmates confirmant les pires tortures. Plus tragique encore, le calvaire des femmes et des enfants ne fait que commencer. Harcelés sans cesse par la police, mis au ban de la société – être catalogué «Rouge» ne pardonne pas en ces temps de Guerre froide -, les humiliations et les privations vont durer des mois et des années pour les proches. La mécanique de la peur et la répression aveugle d’un gouvernement tout puissant se montrent au-delà de l'imagination.
Sobre et retenue, la narration est également directe. Kun-woong fait preuve de délicatesse envers ses protagonistes, mais il n’oublie rien et le moindre détail – du plus trivial au plus horrible – est relevé. Lecture grave, mais ô combien importante, Un matin de ce printemps-là met de l’avant un moment important et révélateur de l’Histoire récente de la Corée du Sud. Pour le lecteur occidental peu au fait de ce sujet, l’album offre aussi une parfaite démonstration des mécanismes utilisés par les régimes totalitaires afin de contrôler les populations.