C
’est la ville, c’est un homme, c’est la routine, c’est la dèche, c’est aujourd’hui.
Œuvre minimaliste à la croisée des genres – livre illustré ? BD alternative extrême ? -, Un jour, le soir narre une immersion dans les pensées d’un individu lambda, en temps réel. Observations, réflexions, action, le tout est montré à l’aide d’une caméra subjective dotée d’une résolution d’un autre âge (cf. plus bas). Narrativement, les différents éléments du récit sont «balancés» à la volée, en direct des neurones du personnage principal et, conséquemment, sans filtre. Tonalité des propos frôlant l’autisme ou une timidité exacerbée à l’extrême, gestion temporelle autoréférentielle délicieuse, les textes récitatifs sont présentés en opposition avec des illustrations colorées. Ces dernières, au rendu oscillant entre celui d’un écran VGA fatigué et un pointillisme acidulé anachronique, renforcent l’ambiance étrange de cette plongée dans la psyché et la perception d’autrui.
Où est la drôlerie ? Où est la maladresse ? Les rires sont-ils sincères, gênés ou méchants ? Où est la frontière entre voyeurisme et identification ?
Giacomo Nanni ne cherche pas de réponses. Il met simplement en scène une âme comme les cités en comptent des millions. La force de l’album vient de la manière dont l’auteur oblige le lecteur à être à la fois l’acteur et le reflet de cette tranche de vie ordinaire et terriblement solitaire. Pas de jugement en dehors de celui de l’observateur, pas de théories sociales ou de blabla inutile : juste soixante-douze heures à tuer, en attendant un nouveau lendemain et la poule aux œufs d’or.
Objet dessiné d’un autre type, Un jour, le soir s’avère être une expérience humaine impalpable et étonnement palpitante. À découvrir et à ressentir.