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vec La folie des primeurs, Iô Kuroda nous livre à nouveau quelques nouvelles ayant pour point commun les aubergines. Si l'idée peut paraître à première vue un peu saugrenue, on se rend bien vite compte que, plus que l'aubergine elle-même, c'est bien la nourriture, le repas et les liens qu'ils tissent entre les gens dont il est question ici.
En prenant pour élément récurrent de ses récits un aliment, l'auteur entend parler du quotidien, du banal, que ce soit dans le Japon moderne ou dans celui de l'époque Edo, à la ville ou à la campagne. Nous suivons ainsi une jeune fille pleine d'énergie qui entend préparer un repas pour l'équipe de tournage d'un film, un samouraï chargé de trouver des aubergines à son seigneur alors que celles-ci ont été interdites par le Shôgun, un couple affamé en pleine nuit... En somme des personnes ordinaires vivant une vie ordinaire, et pourtant unique, à l'instar de l'aubergine, légume plutôt original mais connu de tous.
Kuroda ne parvient pourtant pas à convaincre totalement. Ses récits sont assez souvent désordonnés, les ellipses parfois abruptes et les personnages féminins se ressemblent énormément. Mais malgré cela, en quelques occasions, l'auteur atteint de véritables moments de grâce, comme la planche terminant le recueil où il capte avec talent l'instant où deux adolescents sont sur le point de s'embrasser. Le jeu des regards, les postures, tout est parfaitement décrit dans un style vif et sobre, proche de l'esquisse.
Comme son prédécesseur, ce volume est inégal. Mais l'énergie positive qui se dégage des nouvelles, ainsi que 3 belles réussites ("La folie des primeurs", "Le déménagement" et "Aubergines grillées et bière") font oublier les quelques approximations des autres histoires.