Résumé: 1424. L'étau se resserre sur le royaume de France. De l'intérieur, les ambitieux complotent. De l'extérieur, les Anglais semblent invincibles et risquent d'annexer définitivement le pays. Le souverain, le jeune Charles, est au bord du renoncement. Il faut prendre l'initiative. C'est le moment que choisit sa protectrice, Yolande d'Anjou, pour abattre sa dernière carte : une petite paysanne de Lorraine...
L
a mort d’Henri V d’Angleterre n’a guère bénéficié au royaume de France. Charles VII, son jeune souverain, n’a pas su saisir sa chance. Pire, indécis et mal conseillé par des courtisans sans scrupule, il a lancé son armée dans des batailles toutes plus désastreuses les unes que les autres. En proie au doute, il prie pour qu’un miracle advienne. Un coup de pouce du destin que Yolande d’Aragon, sa belle-mère, pourrait bien tenir entre ses mains. Épaulée par son amie Colette de Corbie, elle projette de faire sacrer le roi à Reims, pour lui assurer une légitimité divine aux yeux du peuple. Encore faudrait-il convaincre son gendre. Pour elle, la solution réside dans une âme bien trempée, également pure et innocente, qui saurait galvaniser la foi chancelante du monarque et l’entraîner à sa suite. Ce catalyseur a déjà été repéré, aux confins du pays, en Lorraine. Reste à influencer la route de la petite Jeanne pour qu’elle croise un jour celle de Charles VII.
Deux ans après La mort des rois, ce cinquième tome du Trône d’argile – qui en comptera sept – emmène le lecteur au seuil de l’épisode le plus connu de la Guerre de Cent Ans : l’épopée de Jeanne d’Arc. Ceux qui n’attendaient que cela trouveront peut-être les préliminaires un peu longs, mais en auront pour leur compte. Les autres, moins pressés, apprécieront pleinement la manière dont France Richemond, qui officie seule au scénario, cette fois, amène les choses et dont elle interprète certains éléments. En effet, sa vision, moderne, réaliste et rationnelle, évite avec intelligence l’écueil de la mièvrerie. Si son explication concernant les visions et les voix entendues par la Pucelle pourra chagriner les adeptes du merveilleux et du miraculeux, elle s’intègre cependant bien aux manipulations politiques qui ont été mises en avant jusque-là.
Toujours aussi bien documenté, le récit couvre plusieurs années et s’avère donc encore plus touffu que les précédents. Si cet aspect entraine une légère perte de rythme, il permet néanmoins d’avoir un aperçu suffisamment évocateur de cette période car la scénariste sait mettre l’accent sur les points essentiels. En dehors de quelques scènes de combats, l’action reste assez limitée et la narration se concentre surtout sur les difficultés rencontrées de chaque côté de la Manche par les deux puissances adverses. Ce volet est également marqué par l’effacement progressif de Tanneguy du Châtel, personnage éminemment sympathique, et les changements de têtes, de nouveaux protagonistes venant en remplacer d’autres. Par ailleurs, si l’intensité des intrigues semble plus faible, celle entourant Jeanne suffit à elle seule à attiser l’intérêt.
Pour ne rien gâter, Théo, le dessinateur, livre, une fois encore, une copie particulièrement réussie. Chaque page respire le travail soigneux qu’il y a apporté afin de rendre au mieux et avec la plus grande justesse ce que pouvait être ce début de XVe siècle dans une France minée par la guerre où, toutefois, certains privilégiés pouvaient s’adonner aux fêtes les plus somptueuses. Le découpage et les cadrages travaillés assurent la dynamique d’ensemble, tandis que l’œil s’attarde avec un plaisir consommé sur les nombreux détails. De quoi faire oublier le côté parfois un peu verbeux des planches, d’autant plus que la colorisation de Lorenzo Pieri apporte l’indispensable touche finale en rehaussant l’expressivité du trait de Théo et en contribuant à créer de superbes ambiances grâce à une très riche palette.
Album charnière, La Pucelle s'avère pleinement satisfaisant. C'est avec impatience et la curiosité piquée au vif qu’on attend la suite de cette magistrale page d’Histoire.
À lire aussi :
Chronique du tome 1
Tome 2
Tome 3
Les avis
kurdy1207
Le 10/01/2018 à 08:55:47
Ce qu'il faut souligner avec ce 5ème album du trône d'argile c'est la qualité du dessin. En le comparant avec le tome 1, on voit une progression assez phénoménale. Théo devient un dessinateur vraiment incontournable et chacune des BD auxquelles il participe est un délice.
Quant à l'histoire, sur fond de guerre de cent ans, elle continue à nous maintenir en haleine. L'idée de la manipulation de Jeanne pour lui faire apparaître des saints et saintes qui n'en sont pas est très originale et certainement plus vraisemblable que la réalité. Nous voilà donc avec notre illuminée à la recherche de nobles agréments pour partir "sauver" le dauphin et le royaume de France.
Le seul regret et cela depuis le premier album c'est certainement l'afflux de texte qui ne correspond pas à l'idée que je me fais de la bande dessinée. C'est un avis très personnel, mais le dessin devrait raconter et se substituer au texte dont la présence ne devrait que le servir. Les pages 31, 35, 40 et 54 sont de bons exemples de ce qu'il ne faudrait pas faire. Ensuite, l'histoire avec un grand H ne peut sans doute se contenter de cela et c'est sans doute la grande difficulté à laquelle sont confrontés les auteurs.
Embu
Le 29/12/2014 à 20:02:29
D'emblée, la première page de l'album en met plein la vue avec cet arbre immense qui élance ses branches dans le ciel : le dessin est impeccable, comme d'habitude. Au niveau de l'histoire, c'est toujours très documenté et sourcé : on apprend des choses intéressantes, comme la tentative de raid des Orléanais sur les renforts anglais ou l'assassinat involontaire de Salisbury. Pas pour rien qu'un badge d'Historia reconnaissant la qualité de l'album est accolé sur la couverture. Par contre, la manipulation de Jeanne d'Arc par des déguisements de moines en saints laisse à désirer ; ça gâche un peu l'histoire religieuse de notre pays, même s'il y a de l'originalité dans l'idée. De plus, on a parfois l'impression que la trame narrative traîne en longueur, même s'il y a beaucoup de rebondissements : le roi est toujours en train de douter tandis que l'armée française continue à cumuler les défaites et ça en devient lassant. En bref, un album toujours aussi soigné et dont l'ouverture sur Jeanne d'Arc laisse heureusement prévoir un changement qui cassera le rythme habituel de la série.
aldo 1975
Le 02/01/2014 à 12:00:23
Toute la complexité des rapports entre les duchés éclate dans ce cinquième tome. La clarté du récit qui faisait la force des albums précèdent est ici beaucoup moins évidente, c'est toujours magnifiquement illustré mais plus bavard. Les auteurs proposent une vision de la "création de l'icône" Jeanne d'arc et de ses apparitions qui me laisse assez perplexe.
Une petite déception pour cet album, mais sur l'ensemble c'est une très belle série.