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ana a décidé d’éradiquer la guerre depuis qu’il a vu mourir sous ses yeux les trois enfants avec lesquels il venait de lier amitié. Mais il s’aperçoit vite que la tâche est colossale et, s’il parvient à mettre fin à des querelles enfantines, affronter les forces armées de l’empire de Xyece s’avère bien plus difficile. Alors que Nana se trouve en mauvaise posture, une escouade de Tripeace vient à sa rescousse. Cette organisation emploie tous les moyens à sa disposition pour mettre fin aux conflits. Malgré les réticences d’une des agents de Tripeace qui l’estime trop faible, Nana intègre le groupe au plus bas niveau et se voit bientôt confier, par erreur, une mission de très haut vol…
Faire disparaître toute belligérance en usant de toutes les méthodes possibles pour y parvenir, voilà une manière de reprendre à bon compte, et plus positivement que d’ordinaire, le célèbre principe de Machiavel voulant que la fin justifie les moyens. Bien que l’indécrottable idéalisme sous-tendu par cette idée puisse faire sourire, le postulat fonctionne assez bien, ou du moins se révèle suffisamment satisfaisant pour que le récit suscite quelque curiosité. À commencer par la trinité sacrée qui sert de règle au mouvement Tripeace : la paix, l’amour – rien d’étonnant – et un troisième précepte qui reste à la discrétion de chaque chantre du pacifisme. En l’occurrence, les deux premiers volumes de Tripeace ne dévoilent qu’une seule de ces associations, celle de Bélial, qui couronne sa triade de … la violence. Si d’autres anti-va-t-en-guerre agissent selon un schéma différent, il n’en est pas encore question, malgré le scepticisme apparent que certains montrent à l’égard du paradigme de leur chef d’escouade.
Voilà pour le fond. La forme, elle, dégage une impression plus mitigée. Alors que la plupart des acteurs s’avèrent travaillés et plutôt intéressants, le héros désigné, Nana (alias Nanako lorsqu’il se travestit), peine à être crédible. Après avoir évoqué son amnésie et laisser entrevoir un événement terrible survenu dans son passé, Maru Tomoyuki donne plus à ce personnage un rôle d’amuseur que de combattant émérite pour la paix. Faible, mais inventif, naïf – pour ne pas dire niaiseux -, quoique capable de s’adapter aux situations, Nana se révèle attachant, certes, mais surtout clownesque. Heureusement, cela fait plus souvent sourire que ça ne tombe à plat. Par ailleurs, il est un peu regrettable que tout se déroule trop vite. La présentation du principal protagoniste, son amitié-éclair des premières pages et sa décision de lutter pour la pacification sont traitées avec rapidité. Des bribes d’éléments, semble-t-il importants, s’en détachent pour être aussitôt noyés dans le flux des multiples tribulations imaginées par l’auteur. Ballotté d’un combat à l’autre, d’une confrontation à la suivante, le lecteur risque par moments de se sentir un peu perdu. Enfin, l’histoire est portée par un graphisme qui ne se démarque guère des shônen du même acabit. Le trait met l’accent sur les attitudes et les visages, en s’aidant d’un découpage dynamique dont la lecture devient néanmoins malaisée au cours des scènes d’action.