Info édition : Dépôt légal à parution. Noté "Première édition, premier tirage". Les illustrations pages 141-142 sont celles de :
Gilles Rochier et Guillaume Bouzard.
L
a bande dessinée ne nourrissant pas toujours son homme, pour vivre, Lénaïc Vilain a tâté du gardiennage de nuit (RAS), du service de sécurité (Sécurité Open your bag) et de l’économie 2.0 (Dans la boîte). Entre deux contrats, il en a même profité pour voyager (Bons baisers d’Iran). Cependant, côté divertissement, sa grande passion est le football et, plus précisément, le Red Star, un des clubs professionnels de la capitale française. Logiquement, il a décidé d’en faire le sujet d’un album mêlant documentaire et autobiographie : Tribune(s) – Chroniques de gradins.
Équipe historique du monde du football français, le Red Star a été créé en 1897 et a connu ses heures de gloire principalement pendant l’entre-deux Guerres. Plus récemment, victime d’une gestion malheureuse et de rétrogradations administratives, il navigue entre le National et la Deuxième division suivant les années. Ce statut modeste ne l’empêche pas d’avoir derrière lui un noyau de supporters totalement dédiés. Tombé dedans presque par hasard, l’auteur a vite intégré cette communauté collée serrée aux valeurs de gauche et très vocale quand il s’agit d’entretenir la mémoire du Stade Bauer.
Rappels du passé, présentation du kop, préparation de tifo et déplacements homériques à travers l’Hexagone pour encourager les siens, etc., l’ouvrage raconte à la première personne les différents aspects de la vie de fan. Le portrait qu’en tire Vilain s’avère des plus sympathiques, quasiment idyllique. Peut-être un peu trop. En effet, sous la plume du scénariste, les engueulades - il y en a relativement souvent - se finissent toujours bien et «l’ordre» est rapidement rétabli. Afin que les chants et les lazzi portent, il faut qu’ils soient entonnés à l’unisson. Se joindre aux ultras, c’est la garantie de faire partie d’une grande famille où tout le monde se connaît et s’entraide, mais il y a un prix à payer. Il faut suivre les règles et ne pas trop discuter. Même si tout semble «cool», ça ne rigole pas quand il s’agit de défendre ses couleurs.
Très intéressant exposé d’un univers bouillonnant et bien plus complexe qu’il y paraît, Tribune(s) – Chroniques de gradins offre une vision claire et pleine d'esprit du rôle de supporter. Celui-ci est évidemment important pour l’ambiance et les joueurs sur le terrain, il est également crucial pour la société. Vivre ensemble, respecter l’adversaire (tout en l’inondant des pires quolibets) et, surtout, faire partie d’un tout plus grand que soi et partager des émotions (et quelques bières) en compagnie d’amis et d’inconnus, c’est aussi ça le football.