Résumé: Vous savez, les genres féminin et masculin sont les deux extrêmes d'un état. Chacun est libre de mettre le curseur où il veut, où il peut.
Les mots de la psychologue du planning familial bousculent Anne. Elle n'a rien vu venir. Sa fille est un garçon... Anne bataille, se déconstruit, apprend, s'ajuste à son enfant, pour se fabriquer un autre regard, un nouveau paradigme.
«
Maman, tu sais... J'ai commencé à voir une psychologue depuis quelques temps... Pour échanger sur les questions de genre... Elle ne se prononce pas, évidemment... Mais moi, j'en suis sure maintenant... Je suis un garçon. »
Lorsque, à dix-neuf ans, Lucie-Alex annonce à sa mère Anne, qu'elle s'engage dans une transition de genre, c'est tout un monde qui s’effondre pour la mère quadragénaire.
Anne Marbot n'existe pas mais cela n'a pas empêché Élodie Durand de suivre pendant trois années son parcours. Si pour des raisons évidentes, les noms ont été modifiés, les faits, eux, sont réels. Grâce à cette rencontre, l'autrice de La Parenthèse (Fauve d’Angoulême-Prix Révélation 2011) aborde sous un angle peu usité, la transition entreprise par son enfant et ses implications dans notre société dite moderne. L'amalgame entre genre et sexe, le regard des autres, la confusion entre identité et sexualité, le sentiment d'incompréhension et de culpabilité que les parents faisant face à une telle situation éprouvent parfois. Elle n'hésite pas à égratigner une partie du corps médical qui se montre réfractaire à une telle démarche et brise les idées reçues sur les réactions des différentes générations ou les raisons profondes qui conduisent à cette décision.
Surtout, elle démystifie les termes en expliquant clairement chaque notion. Didactique, le ton n'est jamais professoral et les références et exemples nombreux, variés et accessibles. S'appuyant sur une littérature fournie dans le domaine, qu'Anne épluche pour comprendre puis s'affranchir des carcans et des idées préconçues héritées de son éducation et de l'histoire récente, l'autrice vise juste. Exploitant à merveille les codes de la bande dessinée, elle restitue avec force le trouble que traverse son héroïne et questionne son lectorat. Pertinent dans son approche, son album en ressort également plein de sincérité et d'émotions. Toujours justes, textes, tantôt dialogues calmes ou passionnés, tantôt monologues introspectifs hors case, aident à mettre des mots sur le mal-être des personnes entamant un processus de transition, leur immense courage autant que les questions à se poser en tant qu'entourage. Le tout sans jugement ni parti-pris.
S'emparant avec intelligence et bienveillance d'un sujet aisément polémique, Élodie Durand réalise un travail de fond salvateur. Informatif, empathique et original, Transitions pose un regard intéressant et éclairant sur une évidence qui mérite que tout le monde prenne conscience de son importance et de sa légitimité.