Info édition : Dos toilé rouge avec titre imprimé.
Résumé: La pénombre. Une houpette apparaît.
Un jeune homme dans son lit, un pansement sur la tempe. Doug se léve suit son chat noir, Inky - pourtant mort depuis des années - et se laisse entraîner de l'autre côté du miroir.
Que s'est-il passé? Une soirée punk, un concert, William Burroughs, une jeune femme nommée Sarah, des polaroïds, un amant jaloux... À grand renfort d'ellipses, Charles Burns fait voler en éclats nos repères spacio-temporels, multiplie les allers-retours entre rêve et réalité, nous place un foulard sur les yeux, nous fait tourner sur nous-mêmes et nous laisse seul dans un pays inconnu, juste après le déluge.
D
ans la pénombre, une houppette bleue apparaît. Lentement et complètement déboussolé, Doug se réveille avec un pansement sur le crâne. Au loin, Inky, son chat noir – pourtant mort depuis plusieurs années - se tient devant un trou béant. Étonné, le jeune homme se lève et suit le félin de l’autre côté du mur de briques. Là, un décor étrange, fait d’inondations, de décombres et d’humanoïdes bizarres, s’offre à lui. Bienvenue dans l’univers de Charles Burns…
Publié simultanément aux États-Unis sous le titre de X’ed Out et clairement influencé par l’œuvre d’Hergé et de William S. Burroughs, ce premier tome de ToXic marque le retour de l’auteur du cultissime Black Hole. De cette couverture ouvertement inspirée de L’Étoile mystérieuse à cette première scène de l’autre côté du miroir, visiblement tirée de l’album Le Trésor de Rackham le rouge, en passant par ce personnage à la silhouette caractéristique et au nom d’artiste éloquent (Nit Nit, Tintin à l'envers), les références au petit protégé de Moulinsart sont légion.
Pour son premier livre en couleurs, l’auteur s’approprie d’ailleurs également ce style ligne clair familier des tintinophiles, mais ne manquera pas de prendre le lecteur à contre-pied par la suite. Car il devient vite évident qu’en suivant les pas de Doug, Burns a bel et bien l’intention de nous emmener dans son monde à lui, d’évoluer vers un style visuel plus sombre et d’user de la puissance évocatrice de son dessin pour livrer des protagonistes plus inquiétants et d’ainsi dégager un sentiment de malaise profond au fil des planches.
Construisant son histoire sous forme d’ellipses, multipliant les allers-retours et proposant une narration très fragmentée, l’auteur s’amuse à brouiller les pistes et accompagne brillamment les errances de ce héros à la dérive. Passant d’un personnage alité et drogué aux souvenirs embrumés d’une soirée Punk-Art en compagnie d’une fille aux goûts artistiques glauques, sans oublier les flashs psychédéliques au sein d’un monde peuplé de créatures étranges, l’album entremêle habilement le quotidien, les rêves et les hallucinations de Doug. D’abord déroutant, avant de devenir prenant, le récit se joue des repères spatio-temporels et permet à Burns d’aborder des thèmes qui lui sont chers, tels que la prise de drogues, la violence et les découvertes sexuelles qui caractérisent le mal-être adolescent dans l’Amérique ultra codifiée des années soixante-dix.
Oscillant entre rêve et réalité, ce premier volet de ToXic abandonne le lecteur complètement étourdi et légèrement frustré d’être sorti de cet univers envoûtant avant la fin de ce nouveau trip artificiel proposé par ce génie graphiste au style souvent imité mais rarement égalé.
Les avis
Pulp_Sirius
Le 11/06/2024 à 01:14:28
== Avis pour les trois tomes ==
Ambiance bien lugubre. Monstres repoussants. Hallucinations débridées. Imagination fertile. On est réellement dans l'univers de Burns.
Si les deux premiers tomes s'avèrent excellents et nous présentent deux univers totalement distincts qui évoluent en parallèle et dont nous ne connaissons pas trop les tenants et aboutissants (même si on s'en doute un peu), le troisième tome déçoit par sa résolution. Finalement, ce n'était que ça? Au lieu de nous offrir une véritable histoire de science-fiction, Burns ne fait finalement que nous sortir une métaphore d'un événement de la vie de notre héros.
C'est souvent le problème des histoires de Burns, d'ailleurs. La fin est trop souvent décevante. Dommage. Le potentiel était énorme.
excessif
Le 03/01/2011 à 12:38:15
Charles Burns nous avait littéralement envoûtés avec son incroyable "Black Hole", mais à lire "Toxic", qui semble débuter une nouvelle série encore plus... euh toxique, justement, il semble que son inspiration ne soit pas tarie, au contraire : les 54 pages de ce (trop) court album - en couleurs, cette fois - offrent une nouvelle expérience extrême, et évidemment profondément déroutante, voire dérangeante, sans jamais tomber dans la facilité onirique qui plombe souvent ce genre de "trip" halluciné. Ici, entre les références pertinentes - et superbes - (Hergé et William Burroughs fournissent les univers de référence) et la manière parfaite dont Burns capture le mal être adolescent comme le vertige de la création artistique comme exutoire à la souffrance intime, Burns frappe terriblement fort, chaque image, chaque page étant un prodige de construction esthétique et intellectuelle. Attention, pur chef d'oeuvre !