Info édition : Contient The Many Deaths of Laila Starr (2021) #1-5.
Noté "Première édition".
Résumé: Mumbai, de nos jours. Mme Shah, en plein travail et coincée dans un embouteillage, hurle sur son mari au téléphone. Laila Starr, une jeune femme déjà fatiguée de tout, est allongée sur le rebord d'une fenêtre ouverte, plusieurs étages au-dessus du trafic. Et plus haut encore, bien au-delà des nuages, la déesse de la Mort est convoquée dans le bureau de son patron. Ces trois destins se rejoignent au moment où, simultanément Laila saute dans le vide, Mme Shah donne naissance à son fils Darius, et la Mort est renvoyée sans ménagement. Dans un futur, Darius est en effet celui qui découvrira le secret de l'immortalité et reléguera la Mort au rang de désagréable souvenir. Mais la Mort, incarnée dans le corps sans vie de Laila, compte bien retrouver sa place, même si elle doit pour cela éliminer le jeune Darius. Du moins, c'était le plan avant qu'un camion ne la fauche et qu'elle ne se retrouve à nouveau ressuscitée quelques années plus tard...
«
Mort, j’ai bien peur qu’on doive se séparer de toi.
Pardon ?!
Attends, ça n’a rien de personnel ! Nous restructurons tout le service. »
Après une éternité de bons et loyaux services, la Mort, déesse à six bras, est congédiée par son patron, un vieillard tricéphale. La cadre dynamique adepte du tailleur n’a pas l’intention de se laisser faire. Pour sauver son taf, elle projette de tuer Darius. Pour le moment, c’est un bébé, mais dans quelques décennies, il inventera l’immortalité. Comme cadeau de départ, ses supérieurs lui offrent une enveloppe humaine afin qu’elle découvre les plaisirs de la vie des mortels. Elle s’incarne dans le corps de Laïla Starr, une jeune femme décédée dans un hôpital de Bombay, là où naît justement le gamin. Le destin est cependant facétieux.
Dans Toutes les morts de Laïla Starr, Ram V présente une étonnante allégorie sur le monde du travail, transposé dans celui des divinités. Avec beaucoup d’efficacité, l’auteur situe en quelques pages les enjeux de cet univers singulier, avant de précipiter son héroïne au cœur de l’action. Loin des dieux près du cœur, elle développe peu à peu son humanité, se montre moins intransigeante, déterminée et catégorique. Et surtout, plus vulnérable. Le sujet pourrait s’avérer lourd, en fait il l’est un peu ; le scénariste déploie toutefois une forme de douceur sur laquelle il saupoudre des notes d’humour. Au final, le lecteur croit en la rédemption de la protagoniste, laquelle se révèle attachante.
Filipe Andrede propose un dessin relâché, proche de l’esquisse, sur lequel il dépose une généreuse couche de couleurs vives, voire criardes, qui piquent les rétines, sans pour cela être désagréables. Il y a quelque chose d’expressionniste dans ses corps élancés et ses visages émaciés d’où se dégagent tristesse et douleur. L’artiste privilégie des cases très larges, bon nombre de ses planches sont d’ailleurs composées de cinq ou six vignettes occupant toute la largeur de la page, les personnages, souvent dépeints au centre, apparaissent alors isolés au milieu d’un décor généralement dépouillé.
Une intéressante réflexion sur la vie et la mort, le Bien et le Mal, sans oublier une critique acerbe de la société néolibérale et sa propension à trancher les têtes.
Les avis
addrr
Le 05/12/2024 à 23:07:45
« Peut-être suffit-il de se souvenir qu’à la fin de l’histoire, le miracle, c’est tout simplement d’avoir vécu. » Pour les gens endeuillés, dur et beau à lire à la fois.
Erik67
Le 31/12/2023 à 09:52:43
Un seul mot me vient à l'esprit après une telle lecture : sublime ! On voit que le comics brésilien a encore de beaux jours devant lui. Je me demande comment cette BD a pu à ce point totalement m'échapper l'année dernière. Elle constitue véritablement un indispensable.
Il faut savoir que le cadre de ce récit plus ou moins initiatique est l'Inde moderne avec ses grandes villes tentaculaires aux millions d'habitants mais également ses espaces plus anciens où l'on célèbre encore des rituels funèbres au bord du fleuve ou de la mer.
Il est question de la déesse de la mort qui perd son job car un mortel va créer une potion d'immortalité. Elle va aller sur terre sous la forme d'une humaine qui vient juste de se suicider à savoir Leila Starr pour tenter de tuer cet homme et retrouver ainsi son job.
Cependant, il vient à peine de naître et elle n'aura pas le courage d'aller jusqu'au bout de ses actes. En devenant humaine, elle a perdu quelque chose mais elle a gagné autre chose de plus beau encore.
J'ai beaucoup aimé la transition qu'elle va opérer et qui prendra bien des années même si elle ne semble pas prendre une seule ride. C'est d'une profondeur absolue qui pousse à l'introspection. Rien n'est laissé véritablement au hasard et c'est tant mieux.
A noter que la préface est signée par un certain Fabio Moon qui est le co-auteur du fameux roman graphique multi-récompensé « Daytripper ». C'est vraiment du même acabit dans le traitement du thème exploité.
Par ailleurs, au niveau graphique, c'est une superbe mise en image dans une démonstration de force assez magistrale. J'ai rarement vu un trait aussi abouti. La colorisation est également employée à très bon escient selon les différents univers que l'on soit au paradis, à Bombay ou sur une plage de Goa...
C'est une lecture qui nous interroge sur le vrai sens de la vie et de la mort qu'il nous faut accepter. Il y a ce quelque chose de très profond qui fait que c'est une lecture au-dessus des autres entre conte philosophique et parfois poétique.
Alors, oui, il faut absolument découvrir cet album fascinant si ce n'est déjà fait. Pour moi, un coup de cœur !
Captain_Eraclés
Le 22/04/2023 à 22:32:32
C’est une ode à la vie, sur fond de culture indienne , c’est sympa mais pas extraordinaire . C’est vrai que je n’ai pas lu souvent d’histoire qui sont un hymne à l'existence à travers le regard de la mort, c’est original de ce point de vue . Plusieurs destins se croisent, les croyances hindous et la réalité, la mort, la vie et ses souvenirs , le tout sublimé par des couleurs chaudes aux nuances de violet, qui accentuent l'aspect poétique, chimérique et abstrait . Le dessin est quant à lui, assez inégal avec de temps à autres de gros ratés . Le trait "croquis" est bien évidemment volontaire, mais n'en reste pas moins trop approximatif avec des erreurs d'échelle et de position (voir illustrations) . Certaines planches sont agréables à observer , cependant trop peu nombreuses et pas non plus exceptionnelles .
"Laila Starr" reste un récit original, bien écrit sur un sujet philosophique cotoyant le fantastique et la réalité dans une culture indienne très agréable à découvrir .
christophe_cn
Le 14/06/2022 à 20:07:11
Magnifique album, haut en couleurs, une vision sur notre relation à la mort à différents époques d'une vie. Et une réflexion intéressante lorsqu'on entend Elon Musk envisager sérieusement une course à l'immortalité.
Grobool
Le 12/05/2022 à 23:51:50
Vous avez aimez DAYTRIPPER... foncez sur Laila STARR...
Visuellement magnifique, scénaristiquement touchant! Plein de poésie, de douceur, de moments rudes, de questionnement, de surprise, d'amis.... J'aimerai rencontré Laila pour échanger sur sa personne!
Une histoire magnifique!