Résumé: Qu'ils vivent dans un éco-lieu, dans une tiny-house ou un dôme géodésique, les personnes qu'Émilie a rencontré ont fait le choix de vivre en accord avec leurs convictions écologiques, économiques ou sociales. Si leur choix leur a semblé naturel, ce retour à la nature est un parcours parfois semé d'embûches. Pas toujours facile de vivre comme on l'entend...
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epuis son appartement du plateau de Gentilly, en banlieue de Paris, Émilie Saitas (L’arbre de mon père) se questionne sur l’urbanité, la pollution et ses conséquences sur la santé. En quête de solutions, elle se lance dans une exploration du logement alternatif, loin de la ville. Elle s’intéresse d’abord aux bâtiments écologiques, puis aux façons de vivre avec le strict minimum. Curiosité, parmi les personnes rencontrées se trouve le bédéiste Simon Hureau, lequel bichonne les vieilles pierres de sa demeure du XVIe siècle.
La journaliste cherche à comprendre les motivations et à découvrir le quotidien de ces femmes et ces hommes prenant la décision de renoncer au confort moderne. Le sujet est inusité, le propos instructif et le ton didactique. Le lecteur apprend beaucoup sur les marginaux que l’autrice souhaite humaniser, mais au final, ils apparaissent pour la plupart comme des hurluberlus.
Il en ressort qu’au-delà du choix d’un habitat inhabituel, les intervenants ont tendance à tourner le dos à toutes les institutions : école à la maison, médecines parallèles, naturisme, naturopathie, spiritualité issue du nouvel âge et tutti quanti. Certains, plus extrémistes, dorment dans des yourtes, à même le sol, sans chauffage et sans toilette. Il est difficile de croire que leur bonheur tranquille ne cache pas une douleur ; certains le reconnaissent d’ailleurs.
De l’ensemble se dégage une étrange impression, comme si la différence ne constitue finalement qu’un uniforme, certes davantage coloré que celui du comptable, mais tout de même un uniforme. Le discours se montre du reste un peu simple et à courte vue. Il demeure peu probable que ces pratiques, souvent individualistes, fassent l’affaire d’une planète déjà surpeuplée. Les urbanistes ne disent-ils pas qu’il faut densifier le territoire ? En fait, l’autrice aurait gagné à être un tantinet incisive et à remettre parfois en question le discours de ses interlocuteurs.
La conclusion est intéressante ; au terme de son enquête, Émilie Saitas réalise que tout cela n’est pas pour elle, mais qu’il y a quelque chose à retenir de chacune de ces rencontres.
Le dessin semi-réaliste, réalisé aux crayons de couleur, se révèle plutôt joli. L’illustratrice remplit ses cases afin que le bédéphile apprécie à sa juste mesure le mode de vie présenté. Certains visages semblent toutefois rapidement exécutés et manquent de symétrie. Enfin, la colorisation repose sur des teintes douces et agréables, traduisant quelque chose de paisible, ce n’est certainement pas fortuit.
Un objet fascinant, une plongée au cœur d’une marginalité choisie. La débrouillardise des bohèmes fascine, il reste cependant à espérer que les services sociaux gardent un œil sur cette gauche aux accents libertariens.