Résumé: Elle voulait en finir avec la vie, mais arrivée au purgatoire, elle gagne contre son gré le droit de revenir chez elle, bien vivante. Elle découvre que si rien n'a changé — sa vie morne et monotone, sa profonde solitude — elle voit désormais autour d'elle tous les fantômes des gens morts, à commencer par le sien, à elle, de fantôme. Et la jeune femme de découvrir que cohabiter avec son fantôme a des avantages, et pas tant d‘inconvénients que ça...
C
’était devenu trop dur. Toute forme d'intérêt s'est envolée et elle a préféré en finir, seule, dans sa salle de bain. Et puis, aberration cosmologique ou grain de sable mystico-réincarnatif, elle a droit à une seconde chance. Charon ou Saint-Pierre, il faisait sombre, il était difficile de discerner l’entité en charge, la renvoie chez les vivants. C’est reparti pour un tour, avec cette fois, le pouvoir de voir les morts et, peut-être, apprécier cette occasion impensable qui lui est accordée.
Elle, c’est K., une amie de l’auteur disparue trop tôt : c’est aussi toutes les personnes qui, se retrouvant acculées, mettent fin à leurs jours. Pour les proches, souvent peu conscients des difficultés existentielles endurées par ces malheureux, le choc est énorme. Pourquoi ? Comment n’ai-je rien vu venir ? Outre le chagrin, un sentiment de culpabilité peut envahir ceux qui se rassemblent afin d’honorer celle ou celui qui n’est plus là. Dans le but de comprendre - le peut-on seulement ? -, Roman Muradov entreprend ce qu’il sait faire de mieux : une bande dessinée pour ne pas jamais oublier K.
Fable fantastique racontée en mode molto mezzo, Tous les vivants (extraordinaire titre tellement évocateur) retrace la réalité quotidienne d’une majorité de la population urbaine d’aujourd’hui. Vie célibataire, travail monotone et routine inlassable qui semble dénuée de sens ou de direction. Le propos est logiquement grave. Totalement imprégné, Muradov l’aborde d’une manière pratiquement évanescente. Trait à la limite de l’invisible, mise en scène jouant sur l’obscurité et la transparence, silhouettes à peine discernables, l’effet et le ressenti prennent à la gorge. Même les moments plus légers ou drôles, le destin tragi-comique du libraire/amant d’une nuit par exemple, ne servent qu’à confirmer la finalité ultime de nos cheminements respectifs. Pour autant, quelques notes optimistes ponctuent l’album, elles sont discrètes, voire codées, comme si le simple fait de les évoquer était suffisant pour les annihiler. Pourtant, ces rappels, aussi fragiles qu’ils sont, se révèlent être les plus importants. À chacun d’être attentif et de ne pas rater ces opportunités.
Œuvre évidemment poignante marquée par le deuil, Tous les vivants n’en est pas moins une lecture passionnante. Roman Muradov a mis son talent au service d’un récit-hommage mêlant questionnements et acceptation, tout en offrant un appel sincère et subtil pour célébrer l’existence, beau temps, mauvais temps.
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