On avait laissé Pierre, Henri et Jean, trois losers magnifique au sein de la caravane publicitaire du tour de France. C'était le Tour en caravane première étape, qui nous faisait découvrir un monde étrange, à la fois sous le feu des caméras et totalement invisible, un petit monde un peu à part, théâtre d'une compétition acharnée et dérisoire pour le prix de la meilleurs caravane du tour. J'attendais ce second tome avec impatience, mais aussi, une certaine crainte. La série était prévue au tout départ pour la collection 32 de Futuropolis, comme un feuilleton long à paraître par épisodes de 32 pages, puis, à l'abandon de la collection 32, l'histoire a été repensée en deux tomes de 80 pages, mais, alors que Germain achevait l'écriture et le découpage des 80 pages du scénario du second volume, on lui annonçait qu'il n'y aurait plus que 64 pages dans ce second tome et qu'il devait donc tout réécrire. Les contraintes cela fait parti du travail d'un artiste, elles sont souvent un moteur, elles permettent de se poser des questions, de stimuler la créativité, d'aller à l'essentiel. Mais lorsqu'elles sont trop violentes et brutales, elles peuvent aussi tuer une œuvre. Je me demandais donc, comment, Germain aller réussir à changer de rythme pour condenser ce dernier tome en 64 pages.
Je me suis lancé dans le livre et ai commencé, au fil des pages à ressentir une certaine frustration. Très vite, Henri, un des trois personnages principaux disparaît du récit et les deux restants, Pierre et Jean, s'éloignent de l'univers intrigant de la caravane publicitaire, pour aller à la rencontre d'une petite famille dans un petit village français. Les choses semblent aller plutôt bien pour Pierre et Jean, ils voient passer à leur porté des opportunités d'améliorer leur vie et semblent réussir à les saisir, et puis deux maladresses font tout basculer et les remettent dans leur costume de losers attachants. Arrivé à ce point de ma lecture, j'ai senti m'envahir une grande bouffée de satisfaction, je les avais retrouvés. J'ai aussi, trouvé le procédé de Germain original et intéressant, une façon tout à fait punk de prendre à contrepied le principe même de la série en bande dessinée. Cette seconde étape n'est, en effet, d'une certaine manière, plus vraiment la suite de la première, mais une autre histoire où l'on retrouve deux des personnages du premier. A la suite de cet épisode, qui rempli près de la moitié de l'album, Pierre et Jean retrouvent leur compère Henri, puis la caravane et Germain boucle la grande boucle et son histoire d'une manière certes un peu rapide, mais néanmoins efficace. Alors, le résultat est un livre où l'on retrouve toutes les qualités de Germain, son trait agréable et fluide, son talent pour nous peindre des « petites gens » avec réalisme et poésie, on sent beaucoup de vécu dans la description du couple avec deux petits enfants que rencontrent Pierre et Jean, un certain humour, un peu cynique mais aussi très humaniste, son travaille sur les dialogues toujours impeccable et son gros boulot sur la mise en scène. Oui, la mise en scène est particulièrement remarquable sur cet album où il systématise le procédé qui consiste à découper un grand dessin de décors sur plusieurs petites cases, ce qui permet à la fois d'avoir de beaux panoramas contemplatifs, qui donnent l'impression d'un rythme lent, et, en même temps, permet de faire avancer sa narration rapidement et de nous raconter énormément de choses, notamment de boucler dans ces quelques pages toutes les questions soulevées dans le tome 1, ce qui, vu le contexte, relève de l'exploit. Alors je dois bien avouer qu'arrivé au bout du récit, je n'ai pu m'empêcher de ressentir une certaine frustration, et de me demander ce que j'aurais pu lire si on avait laissé à l'auteur la possibilité de développer son récit sur un peu plus de pages. Pourtant, au final, après relecture en une traite de l'ensemble, ces deux tomes du tour en caravane forment un joli récit, humain et étonnamment cohérent malgré le choix de s'éloigner brutalement du fil narratif principal pendant la majeur partie du second tome. Je dirais même que ce choix ajoute au réalisme de l'ensemble, en nous rappelant que dans la réalité, les choses ne se passe pas toujours comme on pourrait s'y attendre.