Résumé: Après "Palais Bourbon" et "Carnets de Campagne", Kokopello est parti en reportage à Bruxelles, Strasbourg et neuf pays européens, à la rencontre de journalistes, de députés, de commissaires européens et de ministres. Pendant un an et demi, depuis le début de la guerre en Ukraine, il sillonne l'Europe, arpente les couloirs de la Commission européenne avec l'objectif d'expliquer le fonctionnement de l'Europe et les défis à venir : le changement climatique, la crise de l'énergie, la place de l'UE dans le monde, les ingérences étrangères, le défi migratoire sur fond de guerre en Ukraine.
V
ingt-sept pays, vingt-quatre langues, quatre cent cinquante millions d’habitants, un parlement bicéphale, sept cent cinq députés et une constellation de comités et de sous-comités. Des membres plus égaux que d’autres, certains décrits comme radins, sans oublier ceux à l’écoute du chant des sirènes russes. Une Tour de Babel, un grand grand bazar, comme le dit si bien le titre de ce livre où Kokopello tente de comprendre les tenants et aboutissants de l’institution.
Alors que les troupes de Vladimir Poutine s’attaquent à l’Ukraine, le bédéiste sort son cahier de reporter. La structure est complexe et le projet ambitieux. Au mieux peut-il tracer un portrait impressionniste du monstre administratif. Le lecteur en discerne les contours, mais ne s’explique pas le fin détail de cette organisation dysfonctionnelle qui semble prête à s’écraser sous son propre poids.
L’album prend la forme d’une série d’entrevues au cours desquelles des intervenants exposent différents aspects du fonctionnement de l’appareil : le protocole, le nombre de représentants par État, le processus de vote, les critères d’admission, les commissions, etc. Les pièces de puzzle s’additionnent et finissent par donner un aperçu général de la bête.
Bien que le propos se révèle lourd, le ton demeure léger. Le journaliste s’y met en scène avec une naïveté à laquelle le bédéphile s’identifie forcément. Il est toujours amusant de se demander s’il arrivera à s’incruster dans la rencontre à laquelle il n’est pas invité, le voir essayer d’attirer l’attention d’un politicien ou ne pas savoir comment se comporter lors d’un repas officiel.
Les illustrations relèvent davantage du croquis. La plupart présentent les interlocuteurs du journaliste et apparaissent assez statiques. Cela dit, le trait caricatural confère beaucoup d’expressivité aux personnages. Quelques éléments de décor permettent à l’occasion de contextualiser l’action.
Une synthèse intéressante. De l’ensemble se dégage l’impression que la structure a grandi trop vite, absorbant du coup des entités ayant du mal à pleinement adhérer au projet collectif. Il est d’ailleurs étonnant qu’elle planifie tout de même de fédérer une dizaine d’autres nations.
Les avis
Erik67
Le 28/09/2024 à 08:45:39
Quel bazar quand même les institutions européennes quand on découvre sereinement cette BD qui nous fait voyager au cœur même ! C'est l'auteur Kokopello qui s'y colle après nous avoir montré le Palais Bourbon en 2021.
On ne ressortira pas indemne de cette lecture. Les eurosceptiques seront ravis. Pour les autres, c'est tout de même une lecture très intéressante. On sait qu'il est plutôt difficile de s'entendre quand on est un groupe de 27 états mais cela permet de fédérer un certain nombre de pays dans des valeurs démocratiques communes pour peser plus lourd dans un monde qui change face à la Chine et au Etats-Unis.
Le contexte décrit est quand même très actuel avec l'invasion de la Russie de l'infâme Poutine dans un pays européen. Les états baltes et la Pologne sont en première ligne pour se préparer à la guerre et on le voit très bien dans cette BD alors que cela nous paraît quand même assez éloigné.
On aura droit à un rappel des faits avec la situation en Ukraine car la guerre a démarré car ce pays voulait rejoindre l'Europe. C'est à la base du mécontentement du dictateur Poutine qui multiplie les déclarations belliqueuses sur le monde occidental (« ils cherchent à nous détruire »), aidé par son très cher ami Kim Jong-Un (« nous sommes convaincus que l'armée et le peuple russe remporteront certainement une grande victoire dans la lutte sacrée pour punir le rassemblement du mal qui prétend à l'hégémonie »).
Oui, j'avoue que je préfère l'hégémonie de la démocratie sur la tyrannie. Que dire encore de ces milliers d'enfants ukrainien qui ont été enlevé par l'armée russe afin de leur faire subir un lavage de cerveau et de les envoyer pour peupler des régions inhospitalières de cet infâme empire !
Devant une telle menace, on ne peut que se sentir pro-européen dans l'âme ! Il est vrai que la construction européenne a permis à ses habitants de vivre sereinement sans connaître les destructions massives de la guerre à quelques exceptions près (je pense notamment à l'ex-Yougoslavie qui s'est déchiré à la chute du communisme). Notre niveau de vie est également envié par beaucoup de pays sur la planète au point de provoquer une immigration massive. Un bémol cependant : les inégalités qui se creusent...
Comme dit, il faut découvrir cette BD qui explore très bien toutes les arcanes de ce pouvoir. On sera véritablement surpris par certains aspects. Bref, c'est assez instructif sans vouloir en dire plus.