Résumé: Âgé de tout juste 25 ans, Moa sort d'une profonde dépression affective lorsqu'elle décide de draguer une célébrité sur Tinder. Moa se dit que l'homme, âgé de 53 ans, lui apportera certainement plus que les 120 euros qu'elle dépense jusque-là dans des séances de psychothérapie. De fait, Moa trouve soutien et réconfort. Mais, à mesure que la relation s'intensifie, la jeune femme découvre une personnalité bizarre et déséquilibrée et, bientôt, les choses vont s'envenimer.
Dessiné dans un style visuel unique, entre les peintures de De Chirico et la culture undergound des années 1980, Moa Romanova réinvente, avec Toujours tout foutre en l'air, le roman graphique autobiographique. À la fois drôle et profond, Toujours tout foutre en l'air révèle une nouvelle facette de la jeunesse contemporaine, entre dépendance affective et volonté indestructible. Moa Romanova est née en 1992 et publie dans de nombreux journaux. En Suède, c'est déjà une star.
S
uède, de nos jours. Moa, une artiste dans la vingtaine, souffre de crises d’angoisse à répétition. Consciente de sa situation, elle se fait suivre par un psychiatre afin de tenter de trouver un semblant d’équilibre. Autour d’elle, ses amis tentent de l’accompagner du mieux qu’ils peuvent, mais leur priorité reste de s’amuser et de profiter l’instant présent. Évidemment, sa vie amoureuse paie un lourd tribut à sa maladie. Récemment, elle a fait connaissance – via un app de rencontres - d’une personnalité connue qui souhaite aussi l’aider à surmonter ses problèmes de santé.
Sans filet ni fausse pudeur, Moa Romanova déballe tout dans Toujours tout foutre en l’air. Cette confession intime revient inlassablement sur ses difficultés au quotidien. Violents et insidieux, ses épisodes psychotiques sont peu compréhensibles pour son entourage. Malgré les regards et les remarques, il faut néanmoins continuer et se forcer à avancer pour faire partie du groupe. Prenante et poignante, la description est glaçante de vérité. En plus de présenter d’une façon précise et détaillée, voire clinique, cette pathologie, le récit offre également un portrait révélateur de la génération Z. Ceux-ci ne sont finalement pas si différents de leur prédécesseurs. Ils aiment se retrouver pour discuter ou faire la fête et sont tentés par des expériences plus ou moins interdites. Rien de bien nouveau, si ce n’était l’omniprésence de la technologie. Connectés en permanence, une bonne part de leurs interactions sociales se font par l’intermédiaire des écrans.
Graphiquement, la dessinatrice a lorgné dans le passé et reprend à son compte une part du design des années quatre-vingts. Décors et mise en couleurs minimalistes, le rendu général se veut neutre, presque morne. Toute l’attention se focalise sur les personnages aux allures très stylées. De plus, leur nature plastique permet d’exprimer directement les sentiments. À ce propos, la silhouette disproportionnée (tête atrophiée disparaissant peu à peu dans un corps immense) dont s'est dotée l’autrice s’avère révélatrice de ses luttes intestines. Résultat, l’intrication entre illustrations et scénario se montre totale.
Album autobiographique sans concession réalisé avec un talent certain, Toujours tout foutre en l’air est une lecture grave, quasiment étouffante. Moa Romanova y fait preuve d’une honnêteté et d’une franchise remarquables.