Résumé: Grégory et Nadège sont comblés par la naissance de leurs jumeaux, Charles et Tristan. Pourtant leur univers s’effondre lorsque le diagnostic tombe : Tristan est sourd profond.
Comment alors, en tant que parents entendants, aider leur fils à s’épanouir dans notre société d’hyper-communication ? Comment respecter son identité propre dans ce monde qui laisse, au final, peu de place à l’altérité ?
Bref, comment prendre les bonnes décisions pour Tristan ?
En racontant le combat quotidien de cette famille, ce récit autobiographique dénonce un système mal adapté à la vie réelle, animé par des acteurs qui ne sont pas toujours volontaires et à l’écoute. Il n’est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre…
À
la naissance de leurs jumeaux, Grégory et Nadège sont fous de joie, mais se retrouvent très vite séparés de ceux-ci, placés en couveuse. Au bout de quelques jours, c’est le cauchemar. Soumis aux soins intensifs, Charles devient le sujet d’une batterie d’examens prescrits par des médecins qui annoncent bientôt une intolérance alimentaire sévère. Mais un deuxième coup de massue survient. Tristan a échoué aux tests auditifs. Il est sourd. Un combat de chaque instant commence pour toute la famille qui va devoir faire face à l’accueil plus que mitigé réservé aux enfants porteurs d’un handicap, à des directions peu compréhensives et aux limites des structures adaptées.
Grégory Mahieux retrouve Audrey Levitre, sa complice sur Twins, dans un récit autobiographique narrant son expérience comme père d’enfants « différents », selon un vocable pudique. La surdité est abordée sans fioriture ni pathos, avec tout le lot de contraintes et de tracas qui l’accompagne, surtout pour des parents qui souhaitent, légitimement, que leur progéniture ne soit pas mise dans une case « à part ». Le lecteur suit ce parcours depuis la maternité et le service de néonatalogie jusqu’à l’entrée de Tristan au collège. Les tribulations et les questionnements du couple sont le reflet des failles existant tant dans la communication avec le monde soignant que dans le système français de prise en charge des déficients auditifs. Le désarroi de Nadège et de son mari touche profondément. Ainsi, il est aisé d’appréhender à la fois le tumulte de leurs émotions contradictoires, leur révolte qui ne fait que grandir envers le manque de formation ou de bonne volonté des personnes qui pourraient leur faciliter les choses. Mais leur détermination à vouloir un avenir réellement ouvert à tous les possibles pour leur fils constitue une motivation supérieure.
Écrite à quatre mains, l’histoire dresse donc un tableau peu reluisant d’un état de fait que la majorité ignore, mais propre, justement, à susciter le débat. Elle est par ailleurs illustrée avec réalisme par Grégory Mahieux qui livre quelques deux cents planches en noir et blanc, toutes aussi éloquentes que marquantes, comme la scène à l’école montrant l’isolement total induit par la surdité de Tristan. Le dessinateur y distille également de nombreuses informations et explications.
Abordant un thème peu traité, Tombé dans l’oreille d’un sourd ne laisse pas indifférent. Cet album est une bonne façon de sensibiliser aux réalités de ce handicap.
Les avis
Erik67
Le 30/08/2020 à 17:12:55
Les parents d’un enfant malade ou handicapé savent ce qui est décrit précisément dans cette œuvre et ils ressentent un peu la même chose face aux mêmes difficultés. C’est tout un parcours du combattant qui nous est décrit.
Il y a tout d’abord le diagnostic de la maladie qui est souvent faussé par des éléments que l’on ne découvre que par la suite. Il y a la culpabilisation au sein du couple alors qu’on mène une vie saine. Il y a toute cette panoplie de médecins et soi-disant spécialistes qui se contredisent et qui obligent à des solutions contre-productives pour le bien de l’enfant (vas-y pour porter un appareil lorsque l’enfant semble souffrir de le mettre).
Il y a également le peu de soutien de sa famille et de ses amis des beaux jours complètement à côté de la plaque. Il y a également l’incompréhension du monde professionnel et de ses supérieurs qui mettent encore plus de bâtons dans les roues pour se débarrasser d’un soi-disant cas social. Inutile de compter sur les syndicats dans ces cas-là et on constate le peu de solidarité de la part de ses collègues beaucoup trop occupés à gérer leur propre carrière.
Il y a toute la fumisterie de cette loi en faveur du handicap : que de jolies intentions dont les moyens de mise en pratique sont totalement absentes. Il y a la MDPH qui daigne bien répondre après des mois de dépôt d’un dossier absolument important. Il y a surtout l’Ecole et ses enseignants stupides. L’auteur y a d’ailleurs consacré une très grande partie. Celle-ci fait tout pour isoler l’enfant au lieu de l’intégrer. Quelques fois, il y a la mauvaise volonté et d’autres fois l’ignorance ou la bêtise. Malheureusement, on ne peut pas dire que l’éducation nationale soit une réussite en matière d’accueillir un enfant un peu différent et qui demande sans doute un peu plus d’attention pour que cela se passe bien.
L’auteur qui a raconté son expérience personnelle arrivera à bien s’en tirer tout à la fin. Parfois, cela ne se passe pas aussi convenablement et on peut perdre un enfant à cause de l’Ecole et cela prend un sens particulièrement dramatique. En tout cas, cela fait réfléchir sur le fait qu’on se sent moins seul mais cela ne console pas.
Au final, une superbe bd bien dessinée et bien écrite qui résonne comme un cri pour toutes les familles confrontées au handicap et à l'intégration de leurs enfants dans la société.